31 octobre 2005

COFFEE AND CIGARETTES

Coffee and cigarettes constitue une sorte de récréation pour le cinéaste. C'est un patchwork de courts-métrages en noir et blanc (encore!) qui mettent aux prises une poignée de personnage autour d'une table à carreaux noirs et blancs, d'un café et d'une clope. Le bonheur sur Terre, quoi. Un gimmick amusant qui donne lieu à une série d'excellents petits films: parmi les meilleurs on citera celui avec Iggy Pop et Tom Waits, "Somewhere in California" (qui avait d'ailleurs reçu la Palme d'Or du court-métrage il y a une dizaine d'années), celui avec Alfred Molina et Steve Coogan ("Cousins?", ou l'arroseur arrosé) et celui avec GZA, RZA et Bill Murray, qui porte bien son titre de "Délirium". Souvent drôle, parfois poignant, rarement chiant, Coffee and cigarettes confronte les différentes facettes de l'univers de Jarmusch, du burlesque (Benigni) au rock (les White Stripes dans un court vraiment très surprenant). Étonamment homogène, C&C gagne à être revu. Avec un café et un tas de clopes, de préférence.
8/10

GHOST DOG, LA VOIE DU SAMOURAÏ

Avec ce qui est sans doute son film le plus populaire, Jarmusch n'offre pas pour autant une oeuvre prémâchée. S'appuyant sur les films de mafiosi, le code des samouraïs et l'esprit hip-hop (la bande-son de RZA est sans doute ce que le rap a produit de mieux, et c'est un non-connaisseur qui vous le dit), Jarmusch livre un melting-pot de cultures et de saveurs, à la frontière entre burlesque et gravité. Au centre de tout ça, Forest Whitaker, paupières tombantes, que la masse corporelle n'empêche pas d'être aérien. Portant le film sur ses larges épaules, il fait preuve d'une force d'esprit qui n'a d'égal que la sensibilité à fleur de peau. Les seuls amis de Ghost Dog sont des livres, des pigeons, une petite fille futée et un marchand de glaces français. Chacun des deux hommes ne comprenant pas un traitre mot de ce que l'autre raconte, la situation donne lieu à quelques scènes un peu répétitives mais surtout très drôles (au début, en tout cas ; ensuite, l'émotion prend le pas sur la drôlerie). Comme dans Dead man, Jarmusch suit le destin d'un homme condamné à mourir tôt ou tard, et qui choisit de ne pas fuir ce funeste destin, mais de l'accepter et de s'y soumettre. D'où un final finalement très proche de celui de Dead man. La larme à l'oeil, on se demande bien ce que Jarmusch va pouvoir faire pour nous cueillir une fois encore la fois prochaine.
8/10

DEAD MAN

Et voilà le retour en grâce du grand Jim. Il décide de signer un hommage indirect au western, sans pour autant faire un vrai western à la John Wayne (à la différence de Clint "premier degré" Eastwood). On est déjà ravis de voir qu'il opère un retour au noir et blanc (celui-là est plus classieux et moins "sale" que celui du début de sa carrière). On l'est encore plus quand on voit le casting : autour de Depp gravitent Wincott, Mitchum, Iggy Pop, Billy Bob Thornton, Byrne, Molina, Henriksen. On tressaillit quand on voit s'y ajouter des inconnus nommés Gary Farmer (dans le rôle de l'Indien Nobody) et Mili Avital (Thel Russel, la seule femme du film, à l'origine de tous les maux du héros), débordant de talent. William Blake, pauvre comptable sans le sou, arrive dans une ville inconnue et se voit refouler pour le poste qu'il convoitait. Peu de chose face à ce qui l'attend : il devient l'homme à abattre après avoir abattu le fils d'un homme important en état de légitime défense. Blessé, il est recueilli par un Indien. Le périple commence. Et, à sa manière, William Blake est d'ores et déjà un homme mort. Scénario épuré et plein de clins d'oeil, personnages hauts en couleurs sans être schématiques, construction fascinante (en parallèle du chemin de William, on suit la route des tueurs qui le poursuivent)... au plus haut de sa forme, Jarmusch livre un film à la sobriété bouleversante, qui conte le destin tragique d'un groupe d'hommes sans jouer (comme d'habitude) la carte du suspense. C'est bien. C'est beau. C'est Jim.
9/10

NIGHT ON EARTH

Le semi-échec de Mystery train semblant l'avoir affecté, on s'attendait à ce que Jim Jarmusch prenne son temps pour retrouver ses esprits et livrer un film qui sonne comme une éblouissante réaction d'orgueil. Erreur : c'est avec un nouveau film à sketches (Mystery train en était un à peine déguisé) qu'il réapparait. Gimmick sans intérêt : à cinq endroits dans le monde et à la même heure, on suit l'histoire de cinq chauffeurs de taxi et de leur(s) client(s). Ça commence de façon modeste, avec une jolie rencontre sans prétention entre Gena Rowlands et Winona Ryder. Jolie histoire, pas éblouissante mais sympathique. On aurait aimé que le reste soit au moins aussi regardable : malheureusement, les quatre autres parties du film sont d'un intérêt bien moindre, voire même totalement ratées (en particulier la partie italienne, qui ressemble au Dino Risi des Monstres, mais en encore moins bien). Images moches, arguments désèspérément banals... La mayonnaise ne prend décidément pas. Jarmusch au creux de la vague, on se demande alors si son talent singulier n'est pas mort-né. Le futur montrera que non.
4/10

MYSTERY TRAIN

Après deux films de grande classe, Jarmusch était attendu au tournant. Il revient avec Mystery train, un drôle de film en trois parties bien distinctes, chacune suivant des personnages qui finiront par aller passer la nuit dans le même hôtel de Memphis, où un coup de feu sera tiré le lendemain matin. Comme d'habitude, aucune envie chez Jarmusch de faire du suspense. Qui a tué le coup de feu, franchement, on s'en cogne. L'intérêt réside évidemment dans l'ambiance générale. C'est le premier tiers ("Far from Yokohama") qui donne toute sa saveur au film : on suit un couple de touristes asiatiques qui viennent visiter les hauts lieux du berceau du King. Elle est un peu fofolle, lui complètement mutique. La plupart du temps, on y retrouve le ton décalé et laconique du cinéma de sieur Jim que l'on aime. Mais ensuite, les choses dérapent un peu. Cette histoire d'une Italienne venue attendre le cadavre de son mari ("A ghost"), puis celle des trois branques contraints de se planquer à la suite d'un braquage inattendu ("Lost in space") sont plus convenues, moins singulières, moins passionnantes. Le fantôme d'Elvis a beau se manifester, on reste en dehors du film, et ce malgré les savoureuses apparitions de Screamin' Jay Hawkins (l'idole d'Eva dans Stranger than paradise) et de la voix de Tom Waits (en présentateur radio, hommage direct à son personnage de Down by law). Le passage à la couleur semble avoir altéré les capacités de Jarmusch à faire de la poésie à partir de peu de choses : c'est beaucoup moins beau qu'avant. Mais un tiers de bon Jarmusch, deux tiers plus moyens, c'est déjà pas mal.
7/10

DOWN BY LAW

La quintessence. Le summum. Le gros pied. En Pour la deuxième fois, Jarmusch emploie la figure du trio. Forme idéale : 3=2+1, ou 3=1+1+1, mais on a rarement 3=3. D'où, forcément, un film sur la solitude. Trois hommes, donc. Arrêtés pour des délits qu'ils n'ont pas commis, Zack & Jack se retrouvent compagnons de cellule. Incompréhension et hostilité : pas vraiment la joie. Arrive Roberto alias Bob, qui parle anglais comme une vache italienne, maiq ui va parvenir à créer de véritables liens antre eux. Drôle d'hurluberlu, Bob est en prison pour un motif très valable : il a tué un type en lui jetant une boule de billard au visage. Loin de faire flipper Zack & Jack, leur coloc meurtrier va les aider à se détendre et à apprécier comme ils le peuvent leur vie de prisonnier. "I scream, we scream, you scream for an ice-cream... I scream, we scream, you scream for an ice-cream... I scream, we scream, you scream for an ice-cream..." À défaut d'être potes, les trois compères deviennent amis. Un jour, à la faveur d'une formidable ellipse comme seul Jarmusch peut en pondre, ils se retrouvent dehors. Commence alors un voyage singulier pour retrouver une liberté totale... Jarmusch est au plus haut de son talent à tous les niveaux. photographie géniale (on ne s'est jamais senti aussi bien en prison), noir et blanc magnifique, acteurs fabuleux (Tom Waits, Jon Lurie, et même Roberto Benigni). Ça fait beaucoup de superlatifs, mais ils sont entièrement mérités. Faire des films accessibles sans céder aux codes du cinéma populaire : Jarmusch semble être le seul ou presque à y parvenir depuis vingt ans. Et putain, ce que c'est bon.
9/10

STRANGER THAN PARADISE

En mai 1984, Stranger than paradise est entré dans la légende cinématographique. Que ceux qui pensent que j'en fais trop me lisent attentivement : si le film est entré dans la légende, c'est parce qu'il est le premier deuxième film à recevoir la Caméra d'Or (qui est le prix cannois du meilleur premier long, rappelons-le pour nos amis incultes). Des sélectionneurs étourdis semblent avoir oublié Permanent vacation. Tant mieux pour l'ami Jim, qui bénéficia grâce à ce prix d'une jolie réputation. Stranger than paradise est le premier vrai film jarmuschien. Sur un noir et blanc d'une beauté inouie, Jarmusch suit le court périple de deux potes, Willie et Eddie, et d'Eva, la cousine de Willie, fraîchement arrivée de Hongrie. Car Willie ne s'appelle pas vraiment Willie, mais Bela, à son grand désarroi. Losers attachants, les trois compagnons de route cherchent à s'apprivoiser : meilleur ami d Willie/Bela, Eddie est amoureux d'Eva, qui voudrait bien que son cousin Willie/Bela se mette à l'apprécier.Deux éléments importants de l'univers jarmuschien éclatent totalement ici : le jeu sur le langage (ici le hongrois ; plus tard l'italien, le français, la langue de l'indien Nobody) et le désintérêt total pour une quelconque forme de suspense. Pour celà, Jarmusch use de son fameux sens de l'ellipse et du court-circuit : lorsqu'Eva se met soudain à avoir des problèmes d'argent, elle croise un dealer qui la prend pour une autre et lui remet une grosse enveloppe. Ça peut sembler artificiel, mais ça ne l'est pas. C'est la méthode Jarmusch : se débarrasser laconiquement de tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un passage obligé. Jarmusch développe son humour à froid avec un sens du tempo qui ne peut que filer la patate, à l'image du dernier plan, un avion qui décolle. Jarmusch lancé, rien n'allait plus pouvoir l'arrêter.
9/10

PERMANENT VACATION

Aloysius Parker est un jeune type désoeuvré, en état de vacances permanentes (d'où le titre, bien vu). De rencontres en rencontres, de discussions en projets, Allie tente d'éloigner sa vie de la grisaille newyorkaise. Premier coup d'essai pour Jarmusch (ceci est son film de fin d'études) : s'il est bien en deçà de ses films postérieurs, Permanent vacation est une bal(l)ade intéressante qui annonce déjà les futurs thèmes de prédilection d'un auteur davantage marqué par les rencontres que par les évènements. Jazz, cinéma, ruelles, on sent déjà affleurer les sujets favoris du sieur Jim, tout comme son désir de s'affirmer en cinéaste singulier (d'où, déjà, de longs plans contemplatifs qui n'ont guère plu à ses professeurs d'alors). Pas renversant, Permanent vacation est donc surtout la première pièce à conviction du déjà fameux dossier Jarmusch.
6/10

30 octobre 2005

FANTÔMES CONTRE FANTÔMES

Sale temps pour les esprits. Frank Bannister est un ghostbuster qui passe le plus clair de son temps à extorquer du pognon aux crédules à l'aid ede ses trois amis fantômes. Sauf qu'un jour, les morts par arrêt cardiaque se multplient autour de lui. La Faucheuse lui en voudrait que ce ne serait pas étonnant. Sur un scénar plutôt original, qui mêle comédie fantastique et drame sordide, Peter Jackson montre une fois de plus son grave talent pour la mise en scène. Il nous sert des effets spéciaux stupéfiants et parvient à transcender son film : une vraie mélancolie s'empare du spectateur. Jackson s'est réapproprié les grands standards du genre et y a largement ajouté sa propre sauce, faisant de Fantômes contre fantômes un film vraiment original et différent. À sa tête, Michael J. Fox montre que si Parkinson ne l'avait pas attrapé si tôt, il aurait pu donner un second souffle à sa carrière et montrer qu'il n'est pas qu'un Marty McFly.
7/10

TOMBE LES FILLES ET TAIS-TOI

Je vous arrête tout de suite : Tombe les filles et tais-toi n'est pas une énième comédie pour prépubères. Il est vrai que le titre français porte à confusion : en anglais, Play it again, Sam est bien plus évocateur. Tombe les filles et tais-toi est une comédie semi-romantique en hommage au film Casablanca (d'où est tiré le titre original, car la légende veut que la réplique "Play it again Sam" s'y trouve alors que ce n'est pas tout à fait ça). Hanté par l'influence (et le fantôme) de Bogart, le jeune Woody Allen cherche l'âme soeur. Pas évident quand on a un physique disgracieux, une timidité maladive et une exigence démesurée. Heureusement, Humphrey est là... Le film aurait aussi bien pu être réalisé par Woody Allen, mais c'est feu Herbert Ross qui est derrière la caméra. À vrai dire, ça ne change pas grand chose : comme les premiers films de Woody, Tombe les filles et tais-toi est une comédie plutôt burlesque où le binoclard multiplie les gaffes. Sans être ni hilarant ni mémorable, le film est un agréable moment, car Allen, qui a lui-même adapté sa propre pièce de théâtre au cinéma, a toujours eu un sens du dialogue et de la répartie à mourir.
6/10

MANHATTAN

Juste après le triomphe d'Annie Hall, Woody Allen en était encore au début de la construction de sa filmo manhattanienne, qui allait devenir une institution par la suite. C'est donc avec le bien nommé Manhattan (titre un peu passe-partout puisqu'il aurait convenu à bon nombre de ses autres films) que Woody revient. New York, la culture, l'adultère, les hésitations, l'intégrité artistique... Des thèmes traités sur un mode jubilatoire mais en demi-teinte, qui ont fasciné les spectateurs de l'époque. Si la qualité de l'ensemble n'est pas à remettre en cause, si Diane Keaton et Mariel Hemingway y sont à leur apogée, on peut toutefois douter du fait que Manhattan fasse partie des tous meilleurs films d'Allen. Tout y est très bon, mais manque cette petite étincelle qui a fait mouche dans bien d'autres films. Mais ne faisons pas la fine bouche, car Manhattan est quand même un gros pied. Une fois de plus.
8/10

29 octobre 2005

NOS MEILLEURES ANNÉES

De l'autre côté des Alpes, il reste des gens qui savent que le mot saga n'est pas forcément synonyme de Dolmen: et c'est ainsi que Marco Tullio Giordana, un jeune homme de 53 ans, nous amène un charmant colis tout droit venu de Rome : 6 heures (oui, six) d'une fresque qui, sur une quarantaine d'années, mèle le destin de deux frères idéalistes et leurs proches à l'Histoire de l'Italie et aux drames qui l'ont ponctuée. Voici la preuve qu'un film réalisé pour la télé peut être intelligent, passionnant et émouvant à la fois : Nos meilleures années est un constat désenchanté sur nos vies foireuses et sur notre incapacité à faire les bons choix. La première partie, sobre et digne, est une mise en place géante des évènements de la seconde. Les trois dernières heures sont donc d'une tristesse à couper le souffle, les drames se succèdent sans tomber dans la pathos pourri, et on n'a pas d'autre solution que de sortir les Kleenex. Le film aurait gagné à être un poil plus court (5 heures auraient sans doute suffi). Mais on ne va pas faire la fine bouche : face au vide cosmique du paysage télévisuel français, Nos meilleures années sort grand vainqueur.
7/10

MON IDOLE

Drôle de film, une sorte de sous-Lynch franchouillard avec des gros morceaux de talent dedans. Ça commence par une critique plus schématique tu meurs de la télé-réalité, et on a gravement peur de la suite. Ça continue par une peinture pas plus fine des coulisses, avec ses producteurs requins et ses présentateurs méprisants. Puis on entre enfin dans le vif su sujet, ce pour quoi on a posé le cul sur notre siège après avoir mis la biscotte dans le lecteur. Simple chauffeur de salle, Bastien est invité par le producteur Jean-Louis Broustal à venir passer un week-end dans sa maison de campagne reculée pour y travailler sur un projet d'émission. Sauf que Broustal et sa femme sont des gens très tordus aux réactions un peu inattendues... À partir de là, le film trouve sa place : Guillaume Canet nous plonge dans un malaise délirant dont on ne sait jamais s'il faut en rire ou en chialer. On ne sait jamais ce qui va se passer ensuite, et c'est un régal. Si la description du showbiz semble trop manichéenne pour être honnête, c'est l'ambiance générale qui emmène le film vers des sommets. Une fin légèrement décevante fournit un drôle de sentiment de frustration. Ça donne néanmoins très envie de voir ce que Canet va faire dans le registre ô combien différent du thriller Ne le dis à personne (d'après Harlan Coben).
6/10

20 octobre 2005

LA PORTE DU PARADIS

On connaît tous la légende : La porte du paradis a coulé le Studio United Artists, puis les producteurs, le jugeant trop long, l'ont sorti dans une version de 130 minutes (au lieu de 225!)... Résultat : un film maudit dont beaucoup parlent et que peu de gens ont vu. À la faveur d'une rétrospective cimino, j'ai eu la chance de voir le film en version intégrale et sur grand écran (c'est mieux que le miteux DVD Zone 2 que lequel ne figure que la version tronquée). Si la durée du film peut flanquer la frousse (on se sera auparavant injecté suffisamment de caféine et de nicotine pour être sûr de tenir), on ravale vite nos craintes. La porte du paradis se boit comme du petit lait. Western romantique qui fait souvent penser à Tolstoï, le film est un hallucinant melting-pot d'influences et de talent. Entre deux scènes violentes, Cimino prend le temps d'insérer des pauses où le bonheur et l'amour peuvent reprendre le dessus. On tombe vite amoureux de cette caméra si agile. Si Kubrick, Peckinpah et Truffaut s'étaient alliées le temps d'un film, le résultat n'aurait sans doute pas été très loin de ça. Seulement voilà, Cimino l'a fait tout seul comme un grand, et il surpasse sans doute tous ses maîtres. Violent et fougueux, exaltant et déprimant, La porte du paradis réunit l'intime et le gigantesque, la crasse et le somptueux. Cimino utilise un casting riche en talent (des seconds rôles impeccables, plus des gens comme Jeff bridges, Mickey Rourke, Tom Noonan ou encore le Locke de "Lost", dont j'ignore le nom, et qui avait encore des cheveux à l'époque) et transcende son sujet. Hanté par la figure du cercle (danses, farandoles, maisons encerclées, arènes de combat de coqs...), La porte du paradis passe presque trop vite. Putain de film.
9/10

19 octobre 2005

PETER'S FRIENDS

Le film-de-potes, ça semble toujours facile à faire. L'erreur, c'est que quand c'est réussi, oui, on se dit que ça a vraiment l'air très simple. Mais il n'y a qu'à voir les ratages ennuyeux (derniers en date par chez nous : Avant qu'il ne soit trop tard ou L'anniversaire) pour réaliser que c'est loin d'être aussi aisé. Le film-de-potes (ou plus exactement de "réunion-de-potes-dans-une-grande-maison-qui-va-tourner-au-règlement-de-comptes-mais-qui-finira-bien-quand-même") est un genre qui demande beaucoup de savoir-faire et de dosage, ainqi qu'une troupe d'acteurs ni trop excitée ni trop plombante. Alors, quand on voit Peter's friends, on se dit que Kenneth Branagh n'est pas le dernier des ahuris. Voilà un film grave et drôle, à la sincérité touchante, et qui n'a pas peur de faire dans l'ellipse (d'habitude, si le film se passe sur 3 jours, on se tape 3 petits dèjs, 3 dîners, 3 soupers...). Les comédiens, tous formidables, donnent vie à des rôles juste assez caricaturaux pour nous faire marrer sans nous affliger. Mais la plus grosse marque de réussite d'un film-de-potes, c'est quand, au moment du générique de fin, on crie "naaaaaaaan", désespéré de ne pas pouvoir passer encore un peu plus de temps avec des personnages bien attachants. Voilà un film-de-potes qui dépote.
8/10

18 octobre 2005

MOSQUITO COAST

Allie Fox est un idéaliste ambitieux. Parce que cet inventeur de génie en a marre que son Amérique soit si portée sur l'artifice et la consommation, il part s'installer dans la jungle du Honduras avec sa femme et ses quatre enfants pour y créer son propre village à partir de rien. Mais l'idéalisme, quand il est démesuré, peut mener vers la folie... À l'image de la filmographie quasi-intégrale de Peter Weir, Mosquito coast est un film discret mais sacrément impressionnant. On y voit un homme sombrer alors qu'il poursuivait un rêve, un rêve accessible qu'il a su toucher du doigt mais pas conserver. À n'écouter que lui-même, à refuser tout compromis et toute aide (qu'il nomme "charité), Allie Fox devient prisonnier de son propre système, et devient la vicitime n°1 de ce qu'il dénonce. Campé par un Harrison Ford qu'on a déjà vu plus mauvais, ce personnage emporte tout sur son passage, y compris les têtes des spectateurs. Sur un magnifique scénar de Paul Schrader (dont on regrette juste la fin pas assez tranchante), Weir impose son style tranquille pour un film qui ne paie pas de mine mais fait sacrément réfléchir. À bon entendeur...
9/10

MONTY PYTHON - LE SENS DE LA VIE

De puis que je suis tout petit, quand j'entends parler du Sens de la vie (sans jamais parvenir à le voir), une seule et même image m'obsède : celle d'un très très gros monsieur qui mange jusqu'à se faire littéralement éclater la panse. J'ai dû me faire des dizaines de films à partir de cette seule image. Maintenant que j'ai enfin pu voir ça de mes propres yeux, la vérité est terrible à entendre : je n'avais jamais imaginé un type avec un aussi gros ventre, ni une explosion aussi dégueulasse. C'est ça qui est bien avec les Monty Python : il n'y a pas seulement une idée de départ, mais il y a la folie et la démesure nécessaires pour en faire un vrai bon sketch. On a beau savoir où ils vont, on n'est jamais bien sûr de sa voir où ils vont s'arrêter. Plus encore que leurs autres films (celui-ci étant en fait un film à sketch), Le sens de la vie est le film de l'excès, du toujours plus. L'obstétricien neuneu, la famille (très très très très) nombreuse, les soldats qui reçoivent dans les tranchées, le donneur d'organes... C'est un moment complètement déjanté, dont l'homogénéité d'écriture et de délire est un fait à préciser car il se produit très rarement dans le film à sketches. On n'est pas près de retomber sur des types aussi brillamment hilarants que les Monty Python.

16 octobre 2005

LE BAISER DE LA FEMME-ARAIGNÉE

Si Hector Babenco a réussi peu de films dans sa carrière, il peut en tout cas être très fier de celui qu'il a réussi. Le baiser de la femme-araignée est une oeuvre complexe, qui mêle désir, politique et paranoia, le tout dans une cellule de prison de trois mètres sur deux, où le seul moyen de s'évader est de s'inventer des histoires. Deux personages qui échappent aux clichés : Molina, l'homosexuel pas refoulé du tout, au comportement ambigu, et Valentin, le prisonnier politique, soucieux de sa propre intégrité plus que de son état de santé. Le tour de force de Babenco, c'est de nous faire passer le plus clair des deux heures du film à l'intérieur de cette cellule sans jamais donner l'impression de tourner en rond ou de se répéter. C'est le genre de film qui ne peut pas fonctionner sans de grands acteurs : William Hurt dans son meilleur rôle (allez, ex aequo avec celui de A history of violence), et Raul Julia, naturellement bon. Peu probable que Babenco arrive un jour à refaire aussi bien.

NE PAS AVALER

Drogue, femmes battues, famille décomposée, pubs crasseux, pintes de bières et histoires salaces : pour peu qu'on ait potassé son petit Ken Loach illustré, Ne pas avaler n'apparaîtra pas comme un sommet d'originalité. Si on peut reconnaître à Gary Oldman un certain sens du cadrage et de la direction d'acteurs, son premier (et unique, so far) long métrage reste un film correct mais sans atout majeur qui fera fuir les détracteurs du cinéma dit social.
4/10

BIENVENUE DANS LA JUNGLE

Première bonne nouvelle : The Rock est un acteur moins monolithique que son nom et son physique ne le laissent supposer. Deuxième bonne nouvelle : Bienvenue dans la jungle n'est pas la comédie débile qu'on pouvait attendre. Disons que c'est un mix de comédie d'aventures et de buddy-movie qui rappelle davantage les comédies de Schwarzie que les stupidités mal filmées où l'on voit habituellement Seann William Scott. Il faut avouer qu'il y a un paquet de gags marrants, qu'à un certain degré le cabotinage de Christopher Walken (c'est devenu son unique gagne-pain, ces temps-ci) peut sembler amusant, et que la réalisation de Peter Berg est franchement plus élevée que la moyenne de ce genre de films. Tout cela fait-il pour autant un bon film?

15 octobre 2005

LA BRÈCHE DE ROLAND

Roland, sa femme et ses deux gosses partent randonner dans le massif pyrénéen à la conquête de la fameuse brèche de Roland, rendue célèbre par une légende ancienne. Montagne, secrets familiaux et pétage de plombs : la recette d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu est désormais connue. La particularité de ce moyen-métrage, c'est qu'il offre une vision desprogienne des jeunes. On sent une totale aversion pour tout ce qui a moins de vingt ans et un excès de sébum. Une haine assez jubilatoire (d'autant que j'ai plus de 21 ans, et je vous emmerde). Si le rythme du film n'est pas franchement haletant, on sent s'installer la délicieuse mélodie des Larrieu, qui se fera plus précise et efficace pour leurs longs métrages. Mais qui pourrait bien refuser une balade en montagne avec Mathieu Amalric?
6/10

MALLRATS

On connaît la recette des comédies de Kevin Smith : de la glande, des gros mots, des comics. Souvent, c'est nul. Des fois, par miracle, non. Quand Smith parvient à doser ses effets, il peut livrer des films vraiment drôles. C'est le cas ici : Mallrats se passe en intégralité dans un centre commercial, et l'habituel cocktail y trouve une saveur particulière. Les discussions autour des comics, par exemple, sont bien plus savoureuses que dans Clerks. Les clins d'oeil sont plus "fins". L'imbuvable Jason Mewes est peu présent, et à la place on a le bonnard Jason Lee. Bref, Mallrats est un film qui diffère peu des autres films de Smith, mais qui est pourtant bien meilleur. Ça s'appelle la magie.

14 octobre 2005

TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI

À entendre les critiques, Tout le plaisir est pour moi serait une comédie digne de Max Pécas (si si, je l'ai lu de mes propres yeux). C'est donc avec une envie dévorante que je me suis jeté sur ce film. Et, ô déception, ce n'est pas du tout ce que je croyais. Si on n'est pas en présence du chef d'oeuvre du siècle, c'est tout de même une comédie pas déplaisante du tout et qui appelle une chatte une chatte. La fraîcheur de Marie Gillain et l'énergie générale du casting sont pour beaucoup dans la (très) relative réussite du film. Évidemment, c'est parfois lourd et téléphoné, mais au final, Isabelle Broué s'en sort mieux que, par exemple, le très beauf 7 ans de mariage de Didier Bourdon. Dommage qu'une fin extrêmement abrupte vienne gâcher un peu l'ensemble.
4/10

ED WOOD

Voici donc l'histoire du "plus mauvais réalisateur du monde" : Edward Wood Jr. Sous les traits de Johnny Depp, Ed Wood est un pauvre type bien paumé qui n'a pas conscience de son absence totale de talent et trouve son seul vrai plaisir dans le travestissement et les pulls angora. Une histoire vraie, mais pas une biographie : Burton se contrefiche d'une quelconque exhaustivité et choisit les morceaux les plus croustillants de la vie de Wood. D'ailleurs, de Wood à Woody, il n'y a qu'un pas : il est frappant de voir à quel point Burton s'est allenisé pour ce film. Ed Wood ressemble à un mix de Broadway Danny Rose et Hollywood ending, enrobé du fameux style de tonton Tim. Car l'une des différences majeures avec les films de Woody Allen, c'est que Burton s'est doté une fois de plus d'une direction artistique à tomber, là où le psychotique new-yorkais se contente de très peu de choses. Aidé d'un détonnant trio d'acteurs (Depp, Landau et Murray), Burton emballe le spectateur en lui livrant un film tragi-comique d'une élégance folle. Bravo.
7/10

Top 5 des films de Burton:
1) Batman le défi
2) Edward aux mains d'argent
3) Sleepy hollow
4) Ed Wood
5) Mars attacks!

13 octobre 2005

POIDS LÉGER

A priori, c'est le genre de film qui fait fuir en hurlant. Sujet bateau (le jeune homme qui pète les plombs s'en sortira-t-il grâce à la boxe?), réalisateur désespérément inintéressant (le sinistre Jean-Pierre Améris)... On pense que Poids léger va être le rendez-vous de l'académisme et du déjà vu. Mais, si on n'a pas tout à fait tort, force est de reconnaître qu'il y a de la matière dans ce film. Car Antoine (Duvauchelle, très bon) est croque-mort de métier, métier dont la peinture est réaliste et déprimante. Et car le scénario semble refuser la voie de la "rédemption par la boxe" au profit d'un truc pas forcément mieux mais moins attendu en tout cas. La DV pas très bien utilisée et un Bernard Campan mou comme un vieux gant de boxe défraîchi sont les gros talons d'Achille d'un film qui tient mieux sur ses pieds que prévu.
5/10

12 octobre 2005

ORDO

Quand il était jeune, Ordo Tupikos a épousé une certaine Estelle qu'il croyait majeure. Des années plus tard, Ordo est devenu marin et a perdu Estelle de vue depuis bien longtemps. Lorsqu'il apprend qu'elle ne ferait qu'une avec une star de cinéma nommée Louise Sandolli, il décide de reprendre contact avec elle... Adapté d'un roman de Westlake, Ordo est tout sauf un film à énigme. Laurence Ferreira Barbosa semble avoir détruit volontairement toute trace de suspense. L'essentiel n'est pas là : elle s'intéresse au plus près à la relation tumultueuse entre Ordo et Louise, faite de soupçons, de regrets, de souvenirs amers... À la tête du film, Marie-Josée Croze irradie les alentours par son élégance et son magnétisme. Seulement, l'ennui gagne. Et la description stéréotypée du milieu du cinéma (un monde dans lequel tous les gens sont des cons prétentieux) n'arrange rien. On se contente du jeu très convaincant de l'ensemble des acteurs.
3/10

11 octobre 2005

KISSED

Sujet fascinant : passionnée par la mort depuis son plus jeune âge, Sandra décide de devenir croque-mort. Comme elle éprouve de l'attirance pour les cadavres, elle se met à les aimer plus que de raison...
D'un point de départ aussi puissant, on pouvait espérer une oeuvre dérangeante et amère, façon Cronenberg ou Lynne Ramsay. Hélas, le film de Lynne Stopkewich opte pour un ton résolument niais qui bousille consciencieusement son joli matériau de départ, en greffant une intrigue vaguement romantico-mystérieuse aux affres de la croquemitaine. Et l'interprète principale n'arrange rien du tout. Frustré et plein de regrets, le spectateur se voit contraint de se faire son propre film dans sa petite tête. What a shame.
3/10

09 octobre 2005

LE LIVRE DE JÉRÉMIE

Deuxième film pour Asia Argento-réalisatrice, et deuxième film trashy. Elle livre un film semi-comateux empreint d'images malaisantes, au style décousu mais franchement stylé. Asia n'est pas seulement un fantasme sur pattes, mais également une réalisatrice qui décrit la décadence comme peu d'autres avant elle. Et elle n'a pas peur de se casser les dents sur certaines scènes qui auraient pu tomber dans le pathos ou le ridicule le plus total. Que dalle : au pire, la scène indiffère, mais ne fait jamais ricaner. On a bien trop les jetons de savoir ce qui pourrait se passer à la scène suivante. Sans maîtrise, la puissance n'est rien, et Asia ne l'oublie à aucun moment. D'autant qu'elle progresse dans sa propre analyse psychologique : c'est à peine si elle montre son cul une fois dans le film (comparé à Scarlet Diva, c'est quand même un gros progrès).
7/10

08 octobre 2005

NIXON

Depuis longtemps, on sait que c'est dans les marmites politicardes qu'Oliver Stone fait ses meilleures soupes (JFK en est la preuve la plus flagrante). Pour cette description des plus célèbres années de Richard Nixon, il retrouve sa démesure stonienne (le film fait quand même 3 heures 20) et son goût de la paranoia, avec un complot à chaque coin de rue. Si Anthony Hopkins est phénoménal dans le rôle-titre, se fondant dans le personnage tel un caméléon vachement doué, le film souffre des partis pris pas franchement judicieux de son réalisateur. Stone ne laisse que deux choix au spectateur : adhérer à fond à ses propres théories, ou quitter la salle. Il écrase insidieusement les points de vue sur des sujets aussi sensibles que le Watergate, et assène avec la finesse d'un bon gros tank des familles ses thèses fumeuses et fumistes. On sait bien que Nixon était plus ou moins une pourriture qui a trempé son nez dans plus d'une affaire louche, mais au bout d'un moment, suivre un point de vue aussi peu objectif devient insupportable. Alors on décroche. C'est dommage, car le style de Stone est toujours aussi plaisant. Faudrait juste arrêter la coke.
3/10

07 octobre 2005

BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN

Il y a quelque chose de rigolo au Royaume-Uni. Kenneth Branagh livre une version enjouée d'une des célèbres pièces de sieur Shakespeare. Beaucoup de bruit pour rien est un excellent moment de cinéma, tant on sent à quel point tout le monde s'est follement amusé à le faire. D'abord Kenneth Branagh, qui fait resplendir la théâtralité de l'intrigue tout en livrant un cinéma intelligent, bien au-delà du théâtre filmé ; ensuite sa troupe d'acteurs, dominée par la radieuse Emma Thompson et le cracra Michael Keaton (on est bien loin de Batman). Leur jeu outré, inévitablement jubilatoire, donne un piment incroyable à ce mix d'intrigues pas franchement élaborées, mais toujours efficaces. Quant le théâtre classique ressemble à ça, on en demande encore. Sans cesse.
7/10

STARDUST MEMORIES

L'un des films les plus méconnus de ce cher Woody est sans doute également l'un des meilleurs. Réalisateur-interprète comique réputé, Sandy Bates en a ras la casquette de faire marrer les gens. Alors il se lance dans le drame, le vrai, celui qui se tourne en noir et blanc et qui finit mal, dans une décharge ou un train insalubre. Et personne n'arrive à comprendre ce brusque revirement de carrière. Évidemment, Sandy est le double à peine voilé de Woody, qui imagine dans le film ce qui aurait pu lui arriver si après les grosses comédies que sont Woody et les robots ou Prends l'oseille et tire-toi, Annie Hall avait été un gros four au lieu de recevoir l'Oscar. Sandy souffre, se bat pour montrer qu'il est un cinéaste, un vrai, et se retrouve (comme d'hab) empêtré dans un imbroglio sentimental dont seul Woody a le secret. Sur un noir et blanc presque crade qui transforme les personnages en silhouettes, il livre l'une de ses compositions les plus touchantes, flirtant sans cesse avec l'autobiographie fantasmée. Dix-huit ans plus tard, avec Celebrity, Woody tenta de refaire le même film (noir et blanc, vérités sur la création et la célébrité), sans jamais atteindre le niveau de ce Stardust memories.
8/10

Top 5 des films de Woody Allen:
1) Coups de feu sur Broadway
2) Crimes et délits
3) Meurtre mystérieux à Manhattan
4) Harry dans tous ses états
5) Tout le monde dit I love you

06 octobre 2005

UN HÉROS TRÈS DISCRET

Bienvenue au pays du mensonge, la plus belle création humaine depuis l'invention de la roue par Néhémie d'Akkadé. Pour son deuxième film, Jacques Audiard utilise la narration décomplexée que dans Regarde les hommes tomber (sans pour autant la défragmenter). Le film suit Albert Dehousse (Mathieu Kassovitz, sorte de meilleur mangeur du monde à l'écran), qui, vers la fin de la deuxième guerre mondiale, décide de s'inventer le passé glorieux qu'il n'a jamais eu. De stratagèmes en manigances, de rencontres en balivernes, Dehousse connaît l'ascension la plus fulgurante qui ait jamais existé avant que la télé-réalité ne soit inventée. Simple, sobre et futé comme son héros, Un héros très discret évite la pose auteuriste toujours trop présente dans les autres films d'Audiard. Et de Kassovitz, brillantissime, à Dupontel, drôle et touchant, le casting recense ce que la France fait de mieux. En résulte un film beau comme un camion, le meilleur de son auteur, qui donne envie de le revoir encore et encore, et de s'initier à l'art du mensonge.
9/10

05 octobre 2005

EMPIRE DU SOLEIL

Mon peu de goût pour Steven Spielberg m'a longtemps poussé à fuir l'un de ses films les moins célèbres. Des fois, je mériterais vraiment des baffes. Car Empire du soleil est sans doute parmi ce qu'il a fait de mieux. Comme à chaque fois qu'il exerce dans le domaine de la fresque intimiste, Spielberg semble se débarrasser de ses lourdeurs caractéristiques (même si dans Il faut sauver le soldat Ryan, un excès de patriotisme pleurnichard nous faisait oublier la beauté du reste). On suit donc Jim, pauvre garçonnet de 11 ans qui perd la trace de ses parents alors même que ça tourne au vinaigre au Japon (là où il vit avec eux depuis sa naissance). La démerde, la chance et les rencontres lui permettront de survivre à cette guerre et, qui sait, de retrouver ses parents à la fin de la guerre. Casting efficace mais pas tape-à-l'oeil (Malkovich, Pantoliano et compagnie, et surtout un débutant nommé Christian Bale), personnages ni tout blancs ni tout noirs (même Jim est décrit avec ses agaçants défauts), construction simple mais efficace... contrairement à sa triste routine, Spielberg ne saborde pas son joli matériau de base, mais livre un film humble, émouvant et bien ficelé, fonctionnant exactement sur le même mode que sa très réussie Guerre des mondes. S'il continue comme ça, je vais finir par l'aimer...
7/10

Top 5 des films de Spielberg:
1) Rencontres du troisième type
2) Jurassic Park
3) La guerre des mondes
4) Empire du soleil
5) Indiana Jones et la dernière croisade

35 HEURES, C'EST DÉJÀ TROP!

Quand l'auteur de Beavis & Butt-Head passe derrière la caméra avec de vrais acteurs en chair et en os, on flaire la comédie débilistique. Erreur : si 35 heures, c'est déjà trop! (quel titre français abject) est une comédie, c'est plutôt de délire bureaucratique qu'il s'agit. Peter Gibbons s'ennuie ferme dans son bureau. Marre des procédures, des mémos, de la bienséance, des collègues d'un autre monde : il demande à un hypnotiseur de le rendre plus indifférent à toute cette perte de temps. Et ça marche : Peter devient cool, se moque éperdument de son travail, et avoue aux sales types chargés de dégraisser sa boîte qu'il n'en branle pas une. Résultat : une promotion en bonne et due forme. S'en suit une histoire d'arnaque informatique, moins intéressante que le début. Car le principal intérêt d'Office space, c'est une condamnation férocement drôle d'un monde où les bureucrates sont rois. Peu importe donc que la fin flirte avec le consensuel, et que l'histoire d'amour avec jennifer Aniston soit aussi inutile, puisque le contenu est suffisamment subversif pour être satisfaisant. Passé injustement inaperçu en son temps (il est à peine sorti en 1999), Office space mérite une séance de rattrapage.
7/10

LE CINQUIÈME ÉLÉMENT

En 1997, l'évènement du festival de Cannes s'appelait Le cinquième élément. Comme d'habitude chez Besson, on n'en savait absolument rien. Avec le recul, c'était aussi bien. Si le film n'est pas exempt de qualités, le scénartio du film semble avoir été écrit par un ado doué pour son âge mais pas tout à fait assez mûr. Résultat : un film naïf et simpliste qui passe à côté de beaucoup de ses objectifs. Si le savoir-faire de Besson n'est pas à remettre en cause, et si son casting est en béton armé, on ne peut que regretter qu'il n'ait pas su se priver de cet humour bessonien si peu fin qui tombe 9 fois sur 10 à côté de la plaque. On ne fait pas les mêmes vannes quand on écrit Le cinquième élément et Taxi, nom de nom. Alors le film reste une succession de moments plus ou moins délirants (et plus ou moins réussis), bien loin de ce que Besson aurait voulu en faire.
4/10

04 octobre 2005

FIN D'ÉTÉ

Quelques temps avant La brèche de Roland, les frères Larrieu avaient déjà tourné un moyen métrage. 68 minutes dans les Pyrénées, dans un cadre montagneux et bucolique. Ne pas se méprendre au sujet des intentions des Larrieu : Fin d'été n'est surtout pas un film Saint-Moret (le film Saint-Moret étant, je le rappelle, un film dont la vision de la campagne fait davantage penser à une publicité pour du fromage qu'à un vrai film de cinéma. Exemple : les films de Jean Becker et Christian Carion. Autre appellation : film Bordeau-Chesnel).
Dans Fin d'été, la campagne s'apprécie à poil, en se torchant la gueule avec des inconnues. Édouard, informaticien au chômage, vient s'y reposer en compagnie de son amie Diana, étudiante anglaise. Et tombe dans un guet-apens atroce : son ami Gilbert, resté bloqué en mai 68, lui propose de lui offrir sa maison montagnarde car il va quitter le coin. Édouard se voit quasiment contraint d'accepter, avant de découvrir que Gilbert est peut-être bien son père... Liberté sexuelle et cadre bucolique, tels sont deux des chevaux de bataille d'Arnaud et Jean-Marie. Fin d'été est un voyage plaisant car marginal, à des lieues des Enfants du marais et autresmachins qui vous feraient fuir à toutes jambes à la vue du moindre brin d'herbe.

03 octobre 2005

DOLLS

Quand Kitano s'éloigne de ses films de yakuzas, ça donne L'été de Kikujiro, ou Dolls, des films qui ont fait pleurer plus d'une grosse brute dans sa chaumière. Des films où les sentiments sont si beaux, simples et profonds que les larmes ne peuvent que venir toutes seules. Pas de calcul, rien à démontrer (hormis le merveilleux pouvoir de l'amour), juste du coeur. Et, ô mon Dieu, comme ces trois histoires qui transcendent le mot 'amour' sont admirables! Seulement voilà : des fois, on ne sait pas trop pourquoi, ça ne passe pas. J'ai baillé ferme devant Dolls comme j'avais baillé devant Kikujiro. Je suis une saloperie de charognard sans coeur. Je n'ai aucune sensibilité. Je pleure devant Sideways, mais pas devant Dolls.
Mais j'assume à 100%, et je vous emmerde.

TRAUMA

Colin Firth, Mena Suvari, Marc Evans (le réalisateur du sombre Resurrection man avec Stuart Townsend) : on n'est pas face à des habitués du direct-to-video. Pourtant, ce film s'est retrouvé directement dans les bons vieux bacs de nos vidéoclubs. Et on ne cherche pas longtemps pourquoi. Nous voici face à un énième film fantastique avec amnésie, visions, culpabilité... Pas grand chose de neuf à se mettre sous la dent. Colin Firth est plutôt fade (et c'est un évènement) dans ce rôle de veuf éploré qui cherche à se souvenir de la mort de sa femme. Ça se suit d'un oeil, sans grande attention, mais l'ambiance est si déprimante qu'on n'a même pas envie de pop-corn. La fin, plus qu'intrigante, nous fait regretter que le reste du film n'ait pas été au niveau. Parce que Trauma fait l'effet d'un pétard mouillé.

02 octobre 2005

RIEN QUE DU BONHEUR

Après Marc Esposito et avant Thierry Klifa et Laurent Tirard, et en espérant que Patrick Fabre et Thierry Cheze ne les imitent jamais, Denis Parent a été le deuxième critique du magazine Studio (le poids des mots, le choc du cirage de pompes) à passer derrière la caméra. Il est celui qui rend la copie la plus brouillonne, tant Rien que du bonheur laisse un goût d'inachevé. Il y avait pourtant du potentiel dans cette histoire d'un méchant critique de cinéma dont la vie part en couille. Malheureusement, le film se limite à une accumulation de saynettes désabusées qui touchent parfois juste dans le registre du comique amer, mais sont souvent vaines. Dommage : on sent que Parent avait quelques (gentils) comptes à régler avec le milieu de la critique (son héros, Désiré Loncle, bosse à "Sunlight magazine"). Et la prestation de Bruno Solo, pas si éloignée de ce qu'il fait (bien) dans Caméra café, n'aide pas le film à surnager. Les temps sont durs.

MR. KLEIN

1942 : Robert Klein est un collabo qui rachète les tableaux des juifs à bas prix. Tout bascule lorsqu'il est pris pour un autre Robert Klein qui lui, est juif... Une idée vraiment bonne pour un scénario qui tient vraiment la route, et on obtient le meilleur film de Losey (et le meilleur de Delon). Peu à peu, Klein est victime de plus en plus de soupçons quant à son identité et à ses origines, et en vient à effectuer un véritable check-up de sa propre conscience. Le doute s'installe, le collabo fait dans son froc... et, tour de force de Losey, on en vient à avoir sérieusement peur et à se soucier de la situation délicate de ce Klein qui est tout de même une belle crevure. Et la fin, déchirante, nous enferme un peu plus dans ce marasme dramatique. Du grand art.

01 octobre 2005

LA MOUCHE

À l'unisson de son goût prononcé pour les mutations en tous genres (et pour les trucs gluants, aussi), Cronenberg propose une variation scientifique de l'aventure du docteur Jekyll. Sous les yeux de sa Mary Reilly à lui (Geena Davis dans ce qui est certainement son meilleur rôle), Seth Brundle se transforme peu à peu en mouche suite à une expérience de téléportation ratée. Ça donne lieu à quelques scènes bien dégueulasses (on va encore me traiter de petite nature) et à une réflexion toute cronenbergienne sur l'identité de l'humain, le pourquoi de la science et le contrôle du cerveau. Le tout à l'intérieur d'une fausse série B qui fait froid dans le dos. Rien à voir avec sa scandaleuse suite.