17 mai 2007

ANTIBODIES

Côté pile, un vilain tueur pédophile, qui vient de reconnaître une douzaine de meurtres après avoir été arrêté. Côté face, un flic de campagne, décidé à aller l'interroger pour savoir s'il a également perpétré le meurtre sordide d'une petite fille de sa juridiction. Entre eux, des barreaux, perméables aux mots. C'est la bonne idée d'Antibodies : s'intéresser non pas à l'arrestation d'un serial killer, mais à ce qui se produit ensuite. Interrogatoires en série, intimidations, négociations... et perversions. Tel est le menu du thriller psychologique de Christian Alvart, qui ne ménage ni les nerfs de ses personnages ni la peine de ses spectateurs.
Hitchcock avait raison : un bon thriller, c'est d'abord un bon méchant. Et celui d'Antibodies est juste grandiose : un sommet de pourriture, un être aussi intelligent qu'abject, aimant par desus tout les petits garçons et la manipulation. Face à lui, le gentil petit flic peu habitué à ce genre d'affaire est comme un agneau innocent que l'on expose sous les crocs d'un loup affamé. Le duel est déséquilibré, mais c'est pour une fois un sacré atout. Quel délice pour le pervers qui dort en nous de savourer la domination totale du grand méchant. Si celui-ci n'a pas tout à fait la carrure du John Doe de Seven (plus démonstratif, moins génial), le Gabriel d'Antibodies est un cas assez passionnant. Et tant pis si la fin déçoit un brin, pas tout à fait prévisible mais loin d'être vibrante : on aura au moins vécu une heure et demie de vraie tension psychologique, ce qui n'est pas donné à voir tous les jours.
7/10

16 mai 2007

OUT OF TIME

Revenue à la mode depuis qu'un certain Jack Bauer a vécu de journées mouvementées, la course contre la montre est souvent un thème haletant, permettant de faire monter l'adrénaline et d'exploser le nombre de morts. Comme son nom l'indique, Out of time est l'un de ces films en forme de sprint permanent, où le héros coupable mais pas trop court dans tous les sens pour ne pas finir en prison et attraper les vrais méchants. La petite originalité du film de Carl Franklin, c'est son personnage principal : il a beau être traqué et dans la merde jusqu'au cou, il continue à déambuler tranquillement, chemise hawaïenne au vent, en balançant des petites blagues dès qu'il en a l'occasion. Cela fait de Out of time un polar décontracté, ce qui contraste drôlement avec le thème de la lutte contre le temps.
C'est dont joyeusement n'importe quoi : les scènes où la tension devrait monter sont volontairement transformées en petits moments de comédie (voir l'anthologique scène du fax), Denzel Washington a la banane, et son personnage passe joyeusement entre les gouttes. Un je m'en foutisme étonnant de la part de Carl Franklin, autrefois auteur de policiers nerveux et bien ficelés (rappelons-nous Un faux mouvement, scénarisé par Billy Bob Thornton). Il n'empêche : on éprouve un plaisir coupable devant cette pantalonnade jusqu'auboutiste, à la conclusion encore plus relax que le reste.
4/10

14 mai 2007

BREAKDOWN - POINT DE RUPTURE

Souvent cantonné à des rôles de justicier sans pitié dans des séries B pour vidéoclubs (bon, y a aussi les Snake Plissken, mais c'est du flan), Kurt Russell revient dans ce qui semble être une énième resucée des pires morceaux de sa filmographie. Erreur : Breakdown ressemble moins à un thriller connement bourrin qu'à un honorable ersatz de Duel, version terre-à-terre. Surtout au début, où Kurt perd brusquement la trace de sa femme alors qu'ils sillonnaient tous deux le désert pour rejoindre leur nouvelle maison. Première demi-heure assez intrigante : celle-ci semblant s'être volatilisée, toutes les hypothèses sont possibles, de la folie au surnaturel. Lorsque la clé du film est révélée, on ne peut s'empêcher d'être un brin déçu : la réponse est crédible mais toute bête, et le reste du film consistera pour Kurt à aller délivrer sa femme, en utilisant tous les moyens mis à sa disposition.
Avec son décor quasi unique (le désert et ses routes à perte de vue) et son acteur principal qui vieillit bien, Breakdown est un divertissement musclé et solide, qui n'exploite pas au mieux son postulat de départ mais montre la capacité de Jonathan Mostow à mener parfaitement sa barque pour ce qui était son tout premier film. Reste que la comparaison avec des films singuliers comme Duel finit par nuire à un film qui n'est finalement rien de plus qu'une simple série B.
6/10

13 mai 2007

LITTLE CHILDREN

Après un In the bedroom bouleversant et pudique, qui avait su entrer dans le domaine dans l'intime sans tomber dans le voyeurisme et le mauvais goût, on attendait de pied ferme le deuxième long métrage de Todd Field. Si l'on retrouve chez le metteur en scène une certaine attirance pour les petites villes, leurs commérages et leur calme apparent, Little children est tout de même un film très différent du précédent. Construit d'une façon assez déconcertante, s'ttardant longuement sur un personnage secondaire avant de replonger dans l'intrigue principale, Little children est un film gonflé, qui conte la relation passablement adultérine de deux parents au foyer, dans une ville aux aguets après la libération d'un pédophile notoire.
Todd Field a eu le courage de traiter frontalement des sujets aussi délicats que celui-ci, à tel point que le film provoque un véritable malaise chez le spectateur, même dans le cadre scènes apparemment anodines. C'est peut-être même trop : sans pour autant filmer des attouchements ou ce genre de glauquerie malheureusement bien réelle, on a parfois l'impression que Field cherche avant tout à gêner le spectateur, et ce au détriment de la ligne directirce de son film. Du coup, Little children devient difficile à suivre, malgré des séquences d'une rare force, transcendées par une mise en scène discrète mais très réfléchie. On passe donc à côté d'un grand film, sans pour autant bouder son plaisir : le duo formé de Kate Winslet et Patrick Wilson est une délectation de tous les instants, les deux acteurs se donnant pleinement pour magnifier la relation moite et perverse qui unit leurs deux personnages. Formidable metteur en scène, grand directeur d'acteurs, on n'attend plus qu'une chose de Todd Field : qu'il cisèle encore plus son écriture pour nous offrir un troisième long irréprochable. On y croit.
6/10

08 mai 2007

CONGORAMA

Belge et international à la fois, Congorama est un drôle d'objet, à l'humour insaisissable et à la narration sinueuse. Résumer le film ne serait pas sorcier, juste complètement inutile. Se mêlent adoption, espionnage industriel, proverbes congolais et accidents de la route. Visiblement, Philippe Falardeau a voulu faire un film différent. Pari en partie réussi. On ne peut néanmoins s'empêcher de comparer l'esprit de Congorama à celui de la série "Strip-tease" : même belgitude, même ré&lisation en mode mineur, même personnages possiblement risibles. Comparaison un peu simpliste (la moitié des oeuvres belges sont comparées à "Strip-tease") mais bel et bien effective ; le problème, c'est que la comparaison n'est pas forcément flatteuse pour le film de Falardeau.
Drôle par moments, souvent grave, Congorama ne laisse jamais indifférent, mais son refus de raconter une histoire un minimum linéaire et son désir forcé d'être original peuvent légitimement lasser. Mais il y a Olivier Gourmet, impayable, le seul capable de trouver sa place dans un univers aussi étrange. Il est la véritable force de Congorama, curiosité sur la recherche d'identité, hantée par l'une des dernières apparitions (prémonitoires) de Jean-Pierre Cassel.
6/10

01 mai 2007

EDMOND

Un soir, Edmond Burke quitte sa femme, terrassé par l'ennui que lui inspire sa vie. Objectif premier : get laid. Dans les quartiers chauds, Edmond va d'abord essayer de trouver une fille pour la nuit. Puis une épaule. Ou une oreille. Mais la vie est bien dure envers les types comme lui. Forcément, s'agissant d'un film de Stuart Gordon, Edmond ne pouvait pas être une simple complainte nocturne, une heure vingt de mal-être ruminé et recraché. On nage ici en pleine bizarrerie, dans un malaise épais et perturbant dont on ne saisit pas forcément la signification, mais qui continue malgré tout à nous envelopper de force.
Edmond, c'est la liberté contestataire faite film. Perdu et haineux, le héros (William H. Macy, aussi bien que d'habitude) met en doute l'ordre établi, qu'il soit social, sexuel ou divin. Outrageusement raciste, usé par la vie, Edmond erre dans les rues, multiplie les rencontres et les mésaventures, jusqu'à atteindre le point de rupture et à semer le mal autour de lui. Pourtant spécialiste des films d'horreur, Stuart Gordon ne cède jamais à la tentation du sang, ne filmant jamais plus que nécessaire. La fin du film arrive bien vite (malgré, tout de même, quelques longueurs), et l'on finit par planter Edmond, plus seul et paumé que jamais, sans trop savoir si ce spectacle sordide est d'un réalisme à toute épreuve ou simplement un rêve sordide. Malgré un manque de punch évident, Stuart Gordon a bel et bien réussi à nous faire douter.
6/10