28 février 2007

LA GORGE DU DIABLE

Comme ils sont méga trop stressés de vivre à la ville, une famille de bons citadins bien friqués décide d'aller s'installer au fin fond du trou du cul du monde. Mal accueillis par les vilains autochtones, ils ne vont pas tarder à faire la connaissance d'un ancien locataire du domaine qu'ils ont acheté. Un type un peu malsain, qui pourrait même être l'acteur de leurs cauchemars...
Et donc, le type, en fait, il a buté toute sa famille avant de l'enterrer quelque part dans le domaine. Il faut deux heures à Mike Figgis (pourtant auteur de talent lorsqu'il fait Leaving Las Vegas ou Timecode) pour déméler un écheveau dont on n'a à peu près rien à faire depuis le début. Bizarre que Figgis se soit intéressé à une histoire si banale, si plate, comme si on enlevait aux Chiens de paille la tension palpable pour la remplacer par un stupide imbroglio bassement policier. Dans le rôle du grand méchant, Stephen Dorff est pourtant pas mal, l'oeil mauvais et un peu fou ; mais face au couple Dennis Quaid - Sharon Stone, transparentissime, n'importe qui donnerait une impression correcte. Deux heures durant, on attendra qu'enfin se produise un évènement inattendu ou vraiment effrayant. En vain. Pour ce qui est sans doute son plus mauvais (et il en a quand même raté quelques-uns), Figgis s'est décidément surpassé dans le néant.
1/10

CHRISTMAS

C'est une famille tout ce qu'il y a de plus normale : papa et maman se mettent en quatre pour que leur fille ait la poupée dont elle rêve à Noël, tout le monde s'aime et se respecte, y compris la gentille nounou. Sauf que monsieur et madame gagnent leur vie en vendant de la poudre blanche en grande quantité... Le jour où des gros vilains enlèvent son mari et réclament une rançon, la cheftaine de famille va donc devoir se débrouiller toute seule. Et une fois de plus, comme dans Nos funérailles ou New rose hotel, Abel Ferrara exploite des thèmes potentiellement stéréotypés et en tire un film fin, sobre, émouvant.
Ni le trafic de cocaïne, ni le rapt du mari ne seront traités selon les lois du genre. Christmas n'est ni un documentaire, ni un film policier : pas de scènes d'action, aucune intention visible de la part de Ferrara de faire dans le suspense... Si ses personnages n'étaient pas des vendeurs de drogue, ce serait un couple comme tous les autres, avec ses sentiments et ses reproches. Et c'est cela qui semble intéresser le metteur en scène : comment un évènement grave peut venir interférer dans le moral et la confiance d'un couple. Christmas n'est rien qu'un film sur le doute qui ronge. Un objet vite regardé (à peine 1 heure 20) mais dont la simplicité n'est qu'une façade ; porté par deux interprètes de talent, le film de Ferrara est un bijou de concision qui séduira sans peine les fans du cinéaste.
8/10

26 février 2007

COURIR AVEC DES CISEAUX

Augusten Burroughs est un garçon à problèmes. Et pour cause : trop occupée à ruminer ses névroses, sa mère le lâche brutalement au beau milieu d'une famille complètement barrée, dirigée par un psy encore plus taré que la moyenne. Courir avec des ciseaux est le récit d'une adolescence tourmentée, où se protéger de la folie des autres ne suffit pas à éviter de devenir fou soi-même.
On a parfois bien du mal à croire que Courir avec des ciseaux soit adapté d'un roman autobiographique, tant la normalité et l'ordinaire semblent être totalement absents de la vie d'Augusten. une mère devenue lesbienne sur le tard, qui organise des après-midi poésie et avale des cachets à tire-larigot ; un tuteur psychologue qui analyse tout, même ses étrons ; une maîtresse de maison accro aux croquettes pour chat ; une soeur adoptive qui croit que son chat lui parle... On se croirait parfois chez John Irving, auteur bien connu pour sa tendre fascination à l'égard des gens dits différents.
Le réalisateur Ryan Murphy livre un récit alerte, souvent drôle, parfois désespérant, des errements d'un ado complètement paumé (il y a de quoi). Il tire le meilleur d'un casting foisonnant, dominé par Annette Bening et surtout Evan Rachel Wood. Cette dernière, vue dans Thirteen et Down in the valley, prouve que la gamine un peu pâle est devenue une jeune femme affirmée, belle et talentueuse. Ce qu'a bien compris Ryan Murphy, qui met davantage en valeur ses très beaux personnages de femmes, dans un film un peu marginal qui possède tout pour crever le plafond.
7/10

25 février 2007

JAMBON JAMBON

Un gigantesque taureau de carton. Une grosse couille noire qui tangue, menaçant de s'écraser à chaque seconde. En-dessous, un gosse de riche tripote une fille de pute (c'est comme ça que le générique les désigne), suçotant ses seins avec délectation. Comme elle est riche et pas d'accord, la mère du gosse de riche engage un matador macho et bien membré pour séduire la demoiselle afin de garder son fils pour elle.
Ça peut éventuellement avoir l'air vulgaire comme ça, et ça l'est sans doute un peu, mais Jambon jambon est sans doute un peu plus fin que son résumé. Il suffit de réaliser que le film n'est qu'une version masculine du cinéma d'Almodovar pour comprendre de quoi il s'agit : mettre face à face la fierté burnée du mâle lambda (à laquelle on ajoute une pincée de machisme à l'ibérique) et la féminité la plus humidement belle. Sous des airs de film misogyne, Jambon Jambon est un virulent plaidoyer anti-machiste, un hymne à la femme sous toutes ses formes.
L'argument polardeux n'est qu'un prétexte pour montrer que le monde tourne autour des seins des filles ("rétines et pupilles, les garçons ont les yeux qui brillent", disait l'autre en parlant de leurs jupes). Et qu'importe si certaines images semblent outrées ou si Bigas Luna passe pour un obsédé : son Jambon jambon est une délicieuse cochonaille, à déguster en tranches plus fines que fines pour mieux en apprécier la saveur.
8/10

UZAK

Trois ans avant Les climats, Nuri Bilge Ceylan réalisait Uzak ("lointain"), film sur la solitude et l'écart croissant entre la vie qu'on a et celle dont on avait rêvé. Un film très contemplatif : longs plans fixes silencieux sur des paysages éloignés, sans doute pour montrer l'immobilisme du personnage principal, photographe solitaire dont la routine est perturbée par l'arrivée d'un jeune cousin un peu pique-assiettes.
La cohabitation des deux hommes, leurs doutes, leurs errances : Ceylan prend tout son temps pour dépeindre la relation un peu froide entre ces deux fortes individualités (ça ressemble à un commentaire d'entraîneur de foot). Parfois, il faut bien avouer que le temps est un peu long. À d'autres moments, la magie opère : beauté des paysages et drôlerie de certaines situations (lorsque l'un essaie en douce de regarder un film porno). C'est ça, Uzak : une image toujours belle, mais un film qui ressemble souvent à un tableau de maître plus qu'à un film de cinéma. L'absence de ligne narrative forte empêche Uzak de dépasser le statut du bel objet.

IDIOCRACY

Participant à une banale opération de cryogénisation, le type le plus lambda du monde aurait dû se réveiller un an plus tard. Mais une erreur administrative prolonge son hibernation pendant un demi-millénaire, et Joe Bauers se réveille en 2505. Entretemps, les gens idiots se sont reproduits comme des lapins, tandis que ceux pourvus d'un minimum de matière grise ont refusé de faire des gosses pour ne pas leur offrir ce monde si bêtement cruel. Dans ce monde où avoir un QI à deux chiffres est un réel exploit, Joe Bauers va vite passer du statut de fuyard à celui de Messie...
Connaissant bien le monde délirant de la bêtise humaine (il est le créateur de deux abrutis nommés Beavis et Butt-head), Mike Judge en livre un portrait tout à fait savoureux dans cet Idiocracy parfaitement débile mais réellement effrayant. Derrière ses allures de potache, Judge révèle un vrai talent de visionnaire : il a totalement raison lorsqu'il montre que le monde est voué à devenir une étable géante, surpeuplée par veaux et ânes, dont l'unique but dans la vie est de regarder un type se faire broyer les couilles à la télé en buvant des boissons énergétiques. Un sujet évidemment propice à de nombreux gags délicieusement cons, come Judge sait si bien les exécuter (rappelons-nous du délicieux Office space). Dans le rôle de l'average Joe (version américaine du "citoyen moyen"), Luke Wilson excelle, se révélant presque aussi drôle que son frère. Quant à Mike Judge, souhaitons qu'il poursuive sa route de trublion assénant à grands coups de gags primaires des vérités sur des sujets essentiels.
8/10

24 février 2007

THE OH IN OHIO

Ils sont mariés. Ils sont beaux. Ils s'entendent plutôt bien. Sauf queue... des années après leur mariage, Priscilla Chase ignore toujours ce qu'est un orgasme. "Pas ma faute", réplique Jack, arguant que ses partenaires précédentes n'ont jamais eu à se plaindre de ses prestations. Frustration + manque d'échange = couple au bord de l'implosion. Et qui dit crise de nerfs imminente dit film potentiellement délectable.
Délectable, tel est en effet l'adjectif qui convient à The Oh in Ohio, comédie peu fréquentable sur l'orgasme, la relation homme-femme et l'identité sociale. Loin des habituels partis pris excessifs sur la façon de traiter le sexe (soit absolument chaste, soit outrageusement vulgaire), Billy Kent appelle un chat un chat et règle leurs comptes à des siècles de frustration féminine. Ça donne un film alerte et vraiment drôle, avec quelques scènes d'anthologie (la première expérience sextoyienne, ou un cours pour apprendre à connaître son vagin, avec l'improbable Liza Minnelli en gourou du sexe) et aucune séquence too much. Il n'y aura ni morale sirupeuse, ni drame sordide pour punir ceux qui ont voulu jouir. Rien que de nouvelles perspectives pour une femme enfin libérée (et de quelle manière!).
Dans les rôles principaux, Paul Rudd (surtout connu pour avoir épousé Lisa Kudrow dans "Friends", mais surtout un acteur comique magistral et trop méconnu) et Parker Posey (la névrosée de service) sont juste impeccables, contribuant eux aussi à rendre The Oh in Ohio particulièrement vraisemblable sans oublier d'être touchant et drôle.
8/10

23 février 2007

ANIMAL

L'homme est un loup pour l'homme, mais à quel point? La méchanceté et le désir de tuer qui caractérisent certains d'entre nous relèvent-ils de l'inné ou de l'acquis? C'est en somme la réflexion proposée par Roselyne Bosch, scénariste de (entre autres) 1492, Christophe Colomb et Bimboland. Soit une palette bien large. Animal explore encore un autre univers : celui du thriller philosophico-scientifique.
Le début est intrigant : un biologiste réputé rend visite à un tueur aussi célèbre afin de réaliser quelques expériences sur lui. On sent pointer quelques thématiques passionnantes, notamment sur l'éthique et l'animalité de l'homme. La mise en scène est froide, les décors bleutés et impersonnels, et les personnages si distants qu'ils en deviennent mystérieux. Et puis, à mesure que Bosch déroule sa bobine, le film se perd en chemin. Incapable de pousser sa réflexion beaucoup plus loin, la réalisatrice bifurque grossièrement vers un thriller balisé et prévisible, où le méchant n'est pas forcément celui que l'on croit et tout le blabla.
Vers la fin, on sent qu'Animal tente de se recadrer un peu, de traiter à nouveau son fascinant sujet. Trop tard : le film avait déjà basculé de l'autre côté de la frontière entre film intelligent et spectacle bêta.
4/10

22 février 2007

THE GREAT ECSTASY OF ROBERT CARMICHAEL

Ceux qui parlent de ce film n'ont que cela à la bouche : à la fin de The great ecstasy of Robert Carmichael, il y a une scène de viol particulièrement sordide, avec notamment l'utilisation d'objets de grande taille pas vraiment destinés à cet usage. Et c'est vrai que cette séquence fait froid dans le dos : filmée avec distance et retenue, en plan fixe, c'est une vraie claque dans la gueule. Mais pas vraiment le genre de claque qu'on aime recevoir, plutôt celle qui sert à vous réveiller à la suite d'un évanouissement.
Car si l'on excepte la scène du film, The great ecstasy of Robert Carmichael sonne particulièrement creux. Jeune metteur en scène, Thomas Clay suit qulques adolescents en crise, qui préfèrent découvrir les joies de la drogue et des tournantes plutôt que de mettre le nez dans leurs cahiers. Parmi eux, Robert, ado solitaire, mutique et visiblement frustré. Pendant plus d'une heure, Clay juxtapose les scènes comme s'il voulait mettre en évidence une montée en puissance jusqu'à l'inévitable conclusion. Las, le spectateur n'y voit qu'une représentation criante de vérité de l'ennui qui ronge la jeunesse anglaise (et d'ailleurs). Pas vraiment de psychologie, pas de vrais actes non plus ; alors pour accrocher l'oeil, Clay a recours à des artifices visuels et sonores déjà vus ailleurs .
Puis arrive la scène-clé : certes impressionnante si on l'isole du reste, elle s'écroule comme un château de cartes lorsqu'on réalise à quel point elle est injustifiée. Visiblement, Clay est atteint du syndrome Miike, qui dans le suprêmement crueux Audition, compensait son absence totale de choses à raconter par une scène finale tout bonnement insoutenable (bien plus qu'ici). Le vide est décidément une chose fort détestable.
3/10

20 février 2007

FEAST

Une nuit, dans un rade situé au fin fond du trou du cul de l'Amérique, une poignée de semi-putes et de vrais poivrots tente de résister à l'assaut d'une bande de bêtes visqueuses et sanguinaires... Avec ses héros rednecks, sa dégueulasserie à toute épreuve et son goût pour l'humour à la con, Feast ressemble à un mix entre Severance et Une nuit en enfer, qui fonctionnaient grosso modo sur la même recette.
Feast se distingue par son aspect profondément ludique. En début de films, à l'apparition de chaque personnage, une fiche d'identité apparaît, révélant quelques caractéristiques... et l'espérance de vie de la personne concernée. Il n'y a plus qu'à régler sa montre et à garder ces indices en mémoire pour jubiler un brin en sachant pertinemment qui va mourir et qui pourrait bien survivre. Sauf que le réalisateur, un certain John Gulager, est un petit rigolo, et quil a piégé l'ensemble.
Évidemment, pour qui est un peu habitué à l'humour fin du monde et aux bestioles gluantes, Feast peut se révéler légèrement ennuyeux sur la fin. D'autant que l'aspect comique, comme dans Severance, ne fonctionne pas toujours très bien, et ce sans qu'on comprenne vraiment pourquoi. Il y a par exemple un personnage à vocation parodique, qui improvise de longs monologues pour appeler son "équipe" à se "mobiliser" pour aller vers un "monde meilleur" (etc.), et dont le flot de paroles emmerde toute le monde. Une très bonne idée parmi tant d'autres, qui finit par tomber un peu à plat. N'empêche que dans le genre, Feast reste un jeu de massacre assez sympathique, idéal pour écluser quelques bières vautré dans un vieux fauteuil.
5/10

18 février 2007

BEERFEST

Pour défendre l'honneur de leur grand-père, un fan absolu de bière (tellement fan qu'il en boit sur son lit de mort et pousse des rots abominables), deux frangins décident d'aller représenter l'Amérique lors de la compétition annuelle de la fête de la Bière. Voilà un résumé qui donne une idée de l'ambition démesurée de Beerfest, comédie bas de plafond qui sent la pisse d'âne et l'aisselle mal lavée.
Pourtant, la bêtise de l'ensemble est tellement assumée qu'il n'est pas interdit d'éprouver un plaisir un peu coupable devant ce spectacle complètement beauf et crétin. Il y a en chacun de nous (ou presque) un gros buveur qui s'ignore (ou pas), tant et si bien que cette bande de types complètement allumés n'ayant qu'un seul but dans la vie (siffler encore et toujours plus de bibine tiède) finit par devenir une sorte d'armée de dieux qu'on aurait presque envie de vénérer. Presque.
À coups de gags bien stupides, de situations supraconnes, de répliques intersidéralement reconnues pour leur idiotie, Beerfest parvient en partie à séduire le beauf qui sommeille en chacun de nous. Un beuf qui finit cependant par trouver le temps long : presque deux heures pour un tel film, c'est un peu lassant, même quand on passe son temps à se gratter les couilles.
5/10

17 février 2007

LES COPAINS D'ABORD

C'est beau, un acteur qui naît. Alors quand on parle d'une naissance multiple, pensez donc... Les copains d'abord (titre français un peu bête) marque l'éclosion simultanée de gens tels que Kevin Kline, Jeff Goldblum, William Hurt ou Glenn Close (mais pas celle de Kevin Costner, coupé au montage). C'est grâce à eux que Les copains d'abord fonctionne plutôt bien.
Lawrence Kasdan peut s'estimer heureux d'avoir pu (ou su) trouver des acteurs au capital sympathie si énorme et immédiat : son scénario, lui, manque un peu de souffle pour vraiment séduire. Ces retrouvailles d'une vieille bande de potes à l'occasion des funérailles de l'un d'entre eux ne vont pas aussi loin que prévu. Pas de véritable enjeu dramatique, juste l'évocation d'une multitude de souvenirs amusants ou émouvants par une bande de vieux cons qui ont oublié qu'ils avaient été jeunes. Avec une certaine prédisposition pour les coucheries croisées et la fumette, nos héros sont indéniablement sympathiques et leur amitié ne semble pas feinte. Dommage que l'ensemble ne soit pas à l'image du personnage de Jeff Goldblum : paumé, cynique, doté d'un féroce sens de la répartie, il est à la fois le plus drôle et le plus désespérant de tous. Et si la fin du film fait sourir, on ne peut s'empêcher d'enrager un peu devant cette pluie de bons sentiments (en une heure trente, tous les problèmes du monde sont résolus et chacun a trouvé chaussure à son pied). Reste le plaisir de voir évoluer cette bande de potes dont on aurait tellement aimé faire partie : rien que pour ça, Les copains d'abord vaut le détour.
7/10

13 février 2007

EN BONNE COMPAGNIE

Jusqu'ici à la direction du service publicitaire d'un grand magazine sportif, il est remplacé par Carter Duryea, jeune type moitié moins vieux, et devient son sous-fifre. Les choses se gâtent lorsque Carter tombe amoureux de la fille de Dan. Normal, elle ressemble à Scarlett Johansson...
Les frères Weitz, après American Pie et Pour un garçon, poursuivent leur exploration de la difficulté d'être un homme et de supporter les épreuves du temps. Après la découverte du sexe, après l'apprentissage de la vie en couple, voici l'étape la plus dure à accepter : le vieillissement prématuré. Aucune DHEA n'aidera Dan Foreman à surmonter sa middle life crisis : il lui faut simplement accepter de lâcher la bride, que ce soit au niveau professionnel ou personnel.
Comédie tendre et féroce, En bonne compagnie est un monument de drôlerie douce-amère, où le rire n'est jamais bruyant mais où le sourire demeure constant. le film aborde également la douloureuse question du chômage, le magazine où bossent Dan et Carter subissant un sérieux dégraissage. C'est dans ces moments que le film se fait le plus grave, lorsque c'est au chef d'annoncer à des cadres vieillissants qu'ils sont mis à la porte.
À peine entaché par quelques baisses de rythme, En bonne compagnie est un vrai délice de près de deux heures, mené comme il se doit par des comédiens épatants : le toujours impeccable Dennis Quaid, l'incomparable Scarlett Johansson (qu'on ne présente plus), et surtout la révélation Topher Grace, excellent en petit arriviste snobinard qui va bientôt apprendre la vie. Après un American dreamz drôle mais un peu léger, il est certain que les frères Weitz (Paul filme et écrit, Chris se contente désormais de produire) vont se tourner à nouveau vers ce qu'ils font le mieux : la comédie déprimante mais salvatrice.
8/10

10 février 2007

ART SCHOOL CONFIDENTIAL

Après avoir foutu le bordel dans le rayon "films de Noël" de tous les vidéo-clubs du monde (un Bad santa un peu primaire mais délicieusement grossier), Terry Zwigoff revient et collabore de nouveau avec Daniel Clowes, le génial auteur de comics. Art school confidential, c'est du Clowes pur et dur : humour décalé et discret, personnages engoncés dans des vies trop grandes pour eux, critique du monde de l'art... En fait, Art school confidential ressemble à une version mâle du grand Ghost World, dans lequel Thora Birch et Scarlett Johansson traînaient leurs baskets sans trop savoir quoi faire de leurs vies. Le héros du film, interprété par Jerome Platz, a un coup de crayon d'enfer mais ne sait ni comment devenir l'artiste majeur du XXIème siècle ni comment s'en servir pour séduire les jeunes femmes. ces deux problèmes étroitement liés donnent lieu à de nombreuses scènes savoureuses et hilarantes. C'est incontestable : Zwigoff et Clowes étaient faits pour se rencontrer.
Le plus drôle dans Art school confidential, c'est la dénonciation de l'élistisme en art. On frôle la caricature, mais l'ensemble reste crédible. Quand Jerome, l'un des plus doués, est conspué par ses camarades parce qu'il ose critiquer le travail bâclé et inepte d'une autre, on sent que le monde lui échappe, nous échappe. On trouvait déjà ce propos dans Ghost world : il est ici au centre du film, étayé, reconstruit, plus poussé, et encore plus drôle.
En fait, les soixante-dix premières minutes d'Art school confidential sont quasiment parfaites : la crème de la crème du cinéma indé américain. Manque de bol, arrive une histoire de serial killer, présente depuis le début en arrière-plan rigolard, et qui vient prendre toute la place. Évidemment, Zwigoff et Clowes se moquent bien de la gravité des faits, et n'utilisent cette histoire que pour démontrer autre chose. Il n'empêche : le message se fait lourd, les intentions trop visibles et la conclusion se devine bien avant la fin. Néanmoins, cela reste supportable, car les deux hommes ont un vrai univers et un vrai don pour croquer des situations en un coup de crayon (ou de caméra). Malgré quelques regrets amers à propos de cette dernière demi-heure imparfaite, on gardera longtemps avec soi cet Art school confidential de premier choix, en espérant sincèrement que Terry et Daniel remettront vite le couvert.
8/10

CROUPIER

En anglais, "croupier" se dit "croupier", mais ça se prononce "cruhuhpiey". C'est véritablement charmant. "Charmant" n'est pas vraiment le terme adapté au film de Mike Hodges, qui a pourtant plus d'une qualité.
Le héros de Croupier est un écrivain sud-afraicain sans inspiration qui décide d'aller distribuer des cartes et des jetons en Angleterre pour voir si ça le rendra prolifique. Il rencontre des clients étranges, apprend consciencieusement le métier, et retrouve le goût d'écrire. Jusqu'à ce que son roman et sa vie personnelle se mélangent un peu trop.
Au début du film, voir Clive Owen en blond platine ne donne pas vraiment envie d'aller plus loin. Et puis Clive reprend sa couleur naturelle pour faire plus sérieux, et le film s'emballe. Mike Hodges livre une description précise du monde du jeu, et une réflexion simple mais passionnante sur la création et son interférence avec la vraie vie. Owen révèle un vrai talent de comédien. Et Croupier, avec son impeccable style à l'anglaise (un peu guindé mais surtout délicieusement british), séduit jusqu'au bout, malgré un imbroglio policier qui aurait pu lui être fatal.
7/10

THE WOODS

Dans un pensionnat, une fille qui aime jouer avec les allumettes découvre des évènements bizarres. Puis des camarades disparaissent. Peut-être même que ça a un rapport avec la forêt d'à côté. ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'on s'en cogne. Quelques années après son excellent May, Lucky MacKee déçoit avec ce film archibanal et sans relief.
Le problème majeur de The woods, c'est qu'il arrive cent ans après l'invention du cinéma. Entretemps, d'autres ont réalisé des films, dont beaucoup de films fantastiques où il était question de possession, de surnaturel ou d'influences mystiques. Du coup, The woods donne l'impression d'avoir été vu mille fois aileurs, et en moins mauvais. Ni le casting de demoiselles, ni les quelques effets spéciaux, ni l'atmosphère générale ne viennent bousculer notre ennui. Seul Bruce Campbell, en mari brimé, illumine modestement le début (et surtout la fin) du film.
La sortie direct-to-video de The woods a scandalisé Lucky MacKee, qui jura mais un peu tard qu'on ne le reprendrait plus à collaborer avec les grands studios. Mieux vaudrait pour ce jeune metteur en scène encore prometteur qu'il se concentre d'abord sur la qulité de ses films. Le public fera le reste.
3/10

06 février 2007

LAST KISS

Scénariste très demandé depuis le triomphe excessif de Million dollar baby, Paul Haggis débarque cette fois avec un scénario adapté du film italien de Gabriele Muccino, Juste un baiser. Le thème de Last kiss? Des trentenaires doutent, ont peur de s'engager, et accumulent les conneries. Le genre de film sympathique, en somme, qui doit normalement donner l'impression de faire partie de la bande de potes.
Seulement voilà : la plume de Haggis et la lourde caméra de Tony Goldwyn (réalisateur sans intérêt connu pour son rôle de méchant bellâtre dans Ghost) parviendraient presaue à nous faire haïr ce genre de film. C'est que les héros de Last kiss sont des bonshommes en papier mâché, des clichés sans relief semblant ilustrer un article de mauvais magazine féminin (le dragueur, le jeune papa, le queutard, patati, patata). Il leur arrive de petites mésaventures sans importance, face auxquelles ils réagissent en pleurnichant comme des fillettes ("oh mon Dieu, pourquooooooooi?"). Du coup, on s'en fout. D'autant que côté casting, mis à part le toujours impeccable Casey Affleck, c'est l'encéphalogramme plat. Zach Braff, l'auteur sursursursurcôté du chichiteux Garden state, est décidément un gros mou sans charisme, à l'image d'un film fade et prodondément agaçant.
3/10

01 février 2007

LOLITA

Un vieux dégueulasse rencontre une jeune conne. C'est en quelque sorte le résumé que l'on peut faire de Lolita, roman de Vladimir Nabokov devenu un film entre les mains de Stanley Kubrick. deux oeuvres d'ailleurs très différentes : au gré d'une écriture ciselée et bouleversante, Nabokov parvenait à transformer un fait divers franchement glauque en une histoire magnifique et exaltante, pour la plus grande gène du lecteur, aussi ému que perturbé. Kubrick, lui, semble insister davantage sur le fait que l'histoire de Lolita est avant tout une affaire de dédophilie entre un bourgeois mielleux que l'on devine lubrique et une insupportable nymphette qui profite autant qu'elle peut de cette attraction fatale.
Le résultat est plus moral que le roman, mais immédiatement moins transcendant ; pourtant, Kubrick a su créer une fois de plus un univers personnel, une sorte de banquise bourgeoise dont la température négative fait exploser les carcans de la famille et du savoir-vivre. Il laisse Peter Sellers en roue libre dans une prestation digne de Docteur Folamour, transformant ainsi Lolita en un objet curieux, passionnant de bout en bout mais dont on se sait trop quoi faire. Comme si le passage du papier à l'image ne pouvait qu'affaiblir le sujet...
On peut aussi voir Lolita complètement différemment en épousant le point de vue de David Lynch (qui, décidément, ne fait jamais rien comme les autres). En effet, si l'on compare le flash-forward du début et la même scène que l'on retrouve à la fin, on s'aperçoit à l'évidence que deux plans qui auraient dû être strictement identiques comportent quelques diférences substantielles (quelques bouteilles ont changé de position, notamment). Cela ouvre une porte à des interprétations aussi diverses que fantaisistes. Quoi qu'il en soit, quel que soit le regard qu'on lui porte, Lolita est un film passionnant, à défaut d'être un chef d'oeuvre de plus dans la filmographie kubrickienne.
8/10