30 novembre 2006

UNITED STATES OF LELAND

Leland, ado de seize ans, poignarde son petit voisin déficient mental. Personne ne comprend son geste, pas même lui. En prison, un professeur va tenter de percer le mystère de Leland.
Quand aux familles, celle du défunt et celle du meurtrier, elles vont tenter de recoller les morceaux. Pas évident. Et sujet ambitieux : disséquer l'âme humaine et livrer une séance de thérapie de groupe sous forme de film. Qu'on ne s'attende pas à une enquête policière ou à un trauma du genre "papa a violé ma soeur devant moi" : United states of Leland est un film presque psychanalytique où prédomine le sentiment de tristesse. Matthew Ryan Hoge promène un casting solide et étoffé le long d'une histoire sans autres rebondissements que ceux qui ont lieu dans les crânes. On peut au choix se passionner pour le désespoir ambiant du film ou au contraire s'en contrefoutre. Car le rythme lent, très lent de United states of Leland a tout de même de quoi rebuter. Et si la réponse offerte en fin de film est très jolie, pas sûr qu'elle justifie tout ce qui précède. Dommage : Ryan Gosling était parvenu à faire croire à tout le monde qu'il avait seize ans, et sa jolie prestation n'est pas récompensée comme il l'aurait fallu.
6/10

27 novembre 2006

MENSONGES ET TRAHISONS ET PLUS SI AFFINITÉS...

Les préjugés, c'est moche : parce que Mensonges et trahisons est le premier film d'un ancien journaliste de Studio (qui est un peu au cinéma ce que France Soir est au journalisme d'investigation), on craignait de voir une comédie franchouillarde et/ou cire-pompes. Mea culpa : il n'en est rien. Contrairement à la majorité de ses collègues (Esposito, Parent, Klifa...), Laurent Tirard semble être un vrai homme de cinéma, un type avec un vrai talent d'écriture et de vrais choses à raconter.
Mensonges et trahisons fait penser à du Woody Allen (c'est une comparaison que l'on lit assez souvent, mais qui pour une fois est justifiée) mais est avant tout du Laurent Tirard. Il y a dans ce film de vrais grands moments de comédie jouant dans tous les registres possibles : comique de situation, de répétition, burlesque, humour très noir... La digression, les pieds dans le plat, le premier degré : tout sourit à Laurent Tirard, tout fonctionne, le drôle est drôle, le triste est souvent triste, l'émouvant est émouvant (sauf quand Carla Bruni chante). Mensonges et trahisons réussit le challenge d'être à la fois très écrit et très libre : on n'est jamais engoncé dans un carcan auteuriste, et on sait toujours où on va (ici, c'est un compliment). Et comme le casting est formidable (autour du très grand Édouard Baer gravitent deux actrices très douées et très belles à regarder, Alice et Marie-Josée), le film est juste un petit régal qui ne demande qu'à être vu, revu, et rerevu. Mais Tirard ne semble pas vouloir devenir le Woody français, puisque son deuxième film (à venir début 2007) sera complètement différent (pensez donc : une bio de Molière). On est franchement curieux de voir s'il s'en sortira aussi bien que dans le registre de la comédie où là, c'est sûr, il excelle.
8/10

11 novembre 2006

LE DERNIER JOUR

Rodolphe Marconi est sans doute un jeune con. Dans ses films, pas une scène sans une porte qui claque ou des gens qui s'engueulent. C'est fatigant, toute cette surdramatisation, comme s'il hurlait à la face du monde "regardez comme je suis un grand dramaturge".
Le problème de Rodolphe Marconi, c'est qu'on ne peut pas le rejeter en masse : car ce jeune con a du talent. Dans les meilleurs moments, il semble atteindre la mi-cheville de Christophe Honoré, autre jeune cinéaste très angoissé mais chez qui le drame est une façon d'être, un comportement toujours justifiable (à défaut d'être justifié). Dans Le dernier jour, il y a ainsi de jolis moments de cinéma. Seulement voilà : ils sont dilués dans des litrs de bruit et de fureur qui n'ont pas lieu d'être. Au centre du Dernier jour, une banale affaire de famille et un secret qui ne sera révélé en fin de film. Alors en attendant, Marconi retrace la relation bizarre de deux ados qui devraient logiquement coucher ensemble alors que non. C'est tout. Une scène sur deux, ils se câlinent en tout bien tout honneur ; le reste du temps, le garçon fait la gueule parce que la fille ne cède pas. C'est tout. Heureusement, il y a Mélanie Laurent, jolie fille doublée d'une actrice piquante. Elle donne à un film bien trop pesant ses seuls moments de légèreté.
5/10

09 novembre 2006

LES NEUF REINES

L'arroseur arrosé. Le titre était déjà pris mais aurait convenu à merveille à ces Neuf reines de talent. En cent années de cinéma, on a croisée des tonnes d'arnaqueurs plus ou moins agiles ; certains ont berné tout le monde, d'autres se sont finalement révélés être les dindons de la farce, abusés par plus malin qu'eux. L'intéressant avec Les neuf reines, c'est que le réalisateur-scénariste n'essaie pas de prendre pour le spectateur pour un ravi de la crèche. On sait très bien que celui qui se pose au départ comme LE roi de l'arnaque va finir par se faire avoir à son tour. Et pourtant, on marche du début à la fin.
Comme dans les meilleurs films de David Mamet, Les neuf reines séduit d'abord par son aspect ultra documenté : il est toujours agréable d'apprendre quelques combines basiques pour gagner quelques billets (serez-vous assez courageux pour essayer à votre tour? moi, non). Ensuite, alors que se profile une arnaque bien plus juteuse que mille tours de passe-passe, c'est le savoir-faire de Fabian Bielinsky, pourtant néophyte, qui impressionne. Car Les neuf reines est un film à tiroirs à la fois complexe et parfaitement fluide, ce qui est assez rare dans un genre où l'on se perd souvent un peu dans les méandres du scénario. Ici, non. Et même si on se doute que la fin sera en forme de retournement de situation, ce n'est que très tard que l'on comprend comment l'arnaqueur va se retrouver pris à son propre piège.
Divertissant, racé, intelligent, Les neuf reines s'impose comme un classique du genre, à ranger à côté de La prisonnière espagnole et Engrenages. Et aurait dû imposer Fabian Bielinsky comme un cinéaste à suivre si celui-ci n'était pas décédé après son second film, l'excellent El aura.
8/10

02 novembre 2006

MY OWN PRIVATE IDAHO

Bien des années avant Twist, autre adaptation gigolo-gay d'un grand auteur classique (Charles Dickens), il y eut ce My own private Idaho inspiré de William Shakespeare. L'histoire de deux petits mecs qui vendent leurs corps pour survivre, l'un étant narcoleptique et l'autre attendant de toucher l'héritage de son richissime paternel.
Au gré de chapitres inégaux ayant pour titre la destination de nos deux pieds nickelés (l'Idaho, Rome, Portland...), Gus Van Sant, alors quasi débutant, dresse un tableau hystérique et bien trop théâtral de la condition de pute masculine. Ne connaissant que très mal ce milieu, il m'est difficile de dire que sa description sonne faux. En tout cas, Van Sant livre un film théâtral, où l'emphase des personnages est rarement naturelle, et où les péripéties des héros sont aussi peu trépidantes que leurs larmes nous émeuvent. Le très surestimé River Phoenix, à la cote surgonflée pour cause de mort prématurée, est d'une fadeur sans nom. Du même coup, son partenaire Keanu Reeves apparaît comme une valeur sûre à surveiller (parions qu'il tournera bientôt dans une trilogie de science-fiction réalisée par deux frangins dont l'un aime à se travestir).
Comme Mala noche, comme plus tard Even cowgirls get the blues, le début de carrière de Van Sant apparaît comme une succession de films déplorables souffrant soit d'une loufoquerie fabriquée soit d'une tendance à vouloir faire de l'arty à tout prix. My own private Idaho en est le parfait exemple. Difficile de croire que des années plus tard son auteur sera celui d'Elephant, Gerry & Last days. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir.
3/10

01 novembre 2006

ALI G

Réussir un bon film con relève de la magie noire. Même quand chaque ingrédient est savamment dosé, il est possible que le mélange ne prenne pas, et dans ce cas, c'est très gênant pour tout le monde. Heureusement, il y a Sacha Baron Cohen. Celui que l'on connaît surtout chez nous pour être un Borat très médiatisé a d'autres personnages dans sa musette, et parmi eux, ce Ali G, lascar d'opérette vivant chez sa mamie et plus obsédé sexuel qu'une armée de bonoboos.
Ali G, c'est d'abord une ribambelle de gags très en-dessous de la ceinture, ou méchamment idiots, ou atrocement mauvais esprit, voire même tout cela à la fois. Dans certains films où un vieil aveugle masturbe par erreur le héros en croyant astiquer une grille, la réaction première serait la consternation la plus totale. Ici, bizarrement, ça fonctionne, grâce à l'abattage de Sacha Baron Cohen et à la mise en scène discrète mais rythmée de Mark Mylod.
L'une des bonnes idées du film, c'est d'avoir greffé une "vraie" intrigue à une série de scènes débiles. À la suite d'un complot, Ali G est élu député, puis ministre, et ça fiche un sacré bordel dans les rangs du parlement anglais. C'est irrévérencieux sans en faire trop pour l'être. Bref, c'est jubilatoire.
Lors d'une scène clin d'oeil, Ali G croise un journaliste kazakh nommé Borat. À quelques semaines de la sortie du film consacré à ce reporter pas comme les autres, vous salivez gravement? Alors (re)voyez cette comédie conne de génie, ça vous fera allègrement patienter.
8/10