24 mars 2006

LAST DAYS

Il y a des films qui ne s'expliquent pas, des films qui s'imposent comme des évidences, comme s'ils avaient toujours existé. Achevant sa trilogie de la quatrième dimension (hors du temps, hors de l'espace, hors normes), Gus Van Sant réussit non seulement l'exploit de ne pas se répéter, mais de transcender le style aérien et indescriptible qu'il a créé. On oublierait presque que Last days s'inspire des derniers jours de la vie de Kurt Cobain tant le film semble se moquer de la signification même de la réalité. Le héros s'appelle Blake, il n'est pas du genre causant, et préfère aux longs discours les baignades sauvages et les errances en tous genres. Son côté hypnotique et complètement paumé, magnifié par la prestation d'un Michael Pitt plus vrai que nature, rend le film encore plus mystérieux, car quasi muet. Refusant de donner un sens à ses plans, Gus Van Sant laisse le spectateur se faire sa propre idée, ses propres symboles, ses trips à lui. En tout cas, il faudrait être aveugle ou complètement stupide pour passer à côté de la beauté formelle de Last days et de la magie qui s'opère. Le film ne raconte pas grand chose et s'affranchit ainsi de toute contrainte narrative. Alors, sans doute pour mieux signifier la solitude et les absences de son personnage, Van Sant joue avec la chronologie des évènements, quitte à nous repasser deux fois le même bout de plan. Considérant, à l'image de son héros, qu'une bonne chanson peut dire beaucoup plus que bien des bavardages, il offre un enchainement de scènes musicales, dont deux magnifiques où Blake joue et chante pour laisser le spectateur bouche bée (pour la petite histoire, c'est Michael Pitt qui joue ses propres morceaux, et live s'il vous plaît). On est évidemment à l'opposé complet du biopic ; à peine quelques allusions sont faites concernant la vie du chanteur (une petite fille quelque part, un détective qui rode), et on évite toute description cliché et accablante du terrible monde du rock (ainsi, fait remarquable, aucun joint ni substance illicite ne circule pendant le film). Procédant par petites touches, chaque acteur entourant Pitt (d'Asia Argento à Harmony Korine) n'apparaissant qu'à doses homéopathiques, Van Sant livre un film plein, dont les longueurs font la force, et qui parvient à capter la vraie essence de la vie. Mais tous ces mots sont de trop. Mille paires d'yeux devant Last days, c'est mille réactions différentes, mille opinions divergentes. À vous de vous faire la vôtre.
10/10

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