14 juillet 2005

L'ENLÈVEMENT

Arnold (Willem Dafoe), un homme de main minable, kidnappe Wayne (Robert Redford) et l'emmène dans la forêt où il doit le livrer aux organisateurs du rapt. À la maison, la femme de Wayne (Helen Mirren) et son fils (Alessandro Nivola) attendent, accompagnés par le FBI. À part ça, pas grand chose. Dans la forêt, Dafoe et Redford parlent de leurs familles et comparent leur vie dans une conversation molle comme un flan. À la maison, rien de plus exaltant. Les intentions du producteur Pieter Jan Brugge (dont c'est le premier film en tant que réal) étaient pourtant louables : faire un film sur un kidnapping sans verser dans le film policier (très peu de scènes daction), dessiner des personnages humains et sensibles qui ne cachent aucun Keyser Söse, parler des angoisses de chacun plutôt que du kidnapping en lui-même. Est-ce la faute de personnages pas assez appuyés ou d'une intrigue finalement trop simple? Toujours est-il qu'on est au bord de l'ennui. Jusqu'à une fin intrigante (mais pas à tiroirs), qui rallume un peu la flamme qui s'était éteinte depuis longtemps dans l'oeil du spectateur.

Une deux

Une deux, une deux, le quatorze juillet
Nos valeureux soldats sont là pour défiler
Chaussures bien cirées, uniformes repassés
Car c'est pas tous les jours qu'on passe à la télé
Ils marchent en rang d'oignons sur les Champs-Élysées
On connaît la musique ils nous la jouent chaque année
Ils esxposent leur arsenal, leur seule raison d'exister
Car quand on n'a pas d'cervelle il faut bien compenser

Une deux, une deux, ça y est j'ai réussi
À réaliser enfin le grand rêve de ma vie
Ressembler à Chuck Norris et enfiler un treillis
Maintenant j'me sens prêt à affronter l'ennemi
Pour l'instant dans ma caserne, c'est pas que je m'ennuie
Mais j'ai hâte qu'il y ait la guerre histoire de faire une p'tite boucherie
Leur prouver que j'suis un homme prêt à tuer pour mon pays
À faire couler le sang impur de tous ses ennemis

Bien caché dans ma tranchée j'ai plus rien à vomir
J'suis en train de crever, mais je n'veux pas mourir
J'veux rentrer à Paris en héros de la nation
Rencontrer le président, crouler sous les ovations
Cette odeur de sang séché, je l'aimais tellement
Mais c'est bien moins agréable car c'est l'mien à présent
Dieu que le guerre est jolie quand les autres ont mal au coeur
Une deux, une deux, une deux, une deux, une deux, une deux, une deux
Et à trois, je meurs.

13 juillet 2005

LE GENRE HUMAIN - LES PARISIENS

Commençons par les points positifs : l'énorme bide de ce machin a forcé Claude Lelouch à réduire ce qui devait être une trilogie à deux films : ce Genre humain (dont rien que le titre pue la modestie), et Le courage d'aimer, qui vient de sortir, et qui regroupe 50% d'images de celui-ci plus 50% d'images de ce qui aurait dû être le deuxième épisode. À part ça, rien. C'est tellement mauvais qu'on n'a même pas le courage d'en rire. Lelouch aligne un casting beau comme un pet foireux, de Michel Leeb à Arielle Dombasle (en passant par Francis Perrin, Lelouch lui-même et toute sa famille). Il dispense des maximes qui sentent tellement le sapin que les sapins eux-mêmes ne semblent plus sentir grand chose. La réalisation est si plate, l'image si moche, qu'on en regretterait presque le maniérisme tournicotant de ses anciennes réalisations. Le nombre de scènes ridicules est tellement énorme qu'il semble difficile d'en citer une plutôt qu'une autre. Ah, si : Dombasle et Leeb qui tentent de se séduire mutuellement en déclamant des noms de pizzas. Ainsi que toutes les scènes de chansons (qui font passer les spectacles de piano-bar pour des spectacles de Broadway), notamment cet épouvantable "Le bonheur c'est mieux que la vie", qu'on nous serine à longueur de film. Ainsi que... Mais ne continuons pas à tirer sur l'ambulance Lelouch, le cinéaste le plus naïf, candide, béat, le seul à rester persuadé de son propre génie. Il est déjà suffisamment à terre comme ça. Mais il faudrait quand même qu'il arrête de faire des films. Alors s'il te plaît, Claude. Arrête tant qu'il te reste un semblant de dignité. Par pitié pour nous, et pour toi aussi.

LE PORNOGRAPHE

20 ans après avoir arrêté de réaliser des films porno, Jacques Laurent reprend du service à cause de difficultés financières. Un producteur impatient, le retour d'un fils réticent et une envie d'auteuriser ses nouveaux films sont trois des zones d'ombres qu'il est contraint de traverser... On dira ce qu'on veut, Bertrand Bonello, c'est beau. Entre Quelque chose d'organique et Tiresia, il a livré il y a quelques années son film le plus simple, mais peut-être aussi le plus beau. Il y a quelque chose de Truffaut dans son film, et ce n'est pas seulement dû à Jean-Pierre Léaud, formidable dans le rôle-titre, ni aux scènes de tournage qui renvoient à La nuit américaine. Le pornographe est un film sur la solitude : celle de ce réalisateur tristounet qui s'est embourbé dans les conventions qu'il haïssait, celle de son fils (Jérémie Rénier) qui a longtemps renié son métier, celle de l'actrice (Ovidie), prisonnière d'un métier ingrat. En refusant de servir un film racoleur ("seulement" 2 scènes porno, l'une durant quelques petites minutes, l'autre quelques secondes, souvent filmées d'assez loin), Bonello livre une histoire sobre, sans chichis ni tics auteuristes. Son héros aurait aussi bien pu être croque-mort ou huissier de justice, le résultat aurait été le même. Bertrand Bonello, un cinéaste brillant à suivre.

PÈRE ET FILLE

N'étant pas très fan du Kevin Smith délirant de Jay, Silent Bob et compagnie, je ne me suis rué sur ce Père et fille que d'un pas complètement quelconque. Ô surprise. Père et fille est une comédie tendre, mignonne, savoureuse et pas aussi conventionnelle que le laisse penser le pitch. On y parle de masturbation, de vidéos pornos, de gros seins et de taille de zguègue. On y baise sans sentiments sous la douche (du moins on essaie). C'est un film aussi drôle, mignon et touchant qu'un marmot de 4 ans qui viendrait de balancer son premier "Motherfucker". Smith révèle des qualités insoupçonnées (et surtout insoupçonnables) : un coeur, une patte d'auteur, un humour capable d'être fin. De toute façon, un film sans Jason Mewes, c'est déjà un point positif. En échange, on a un Ben Affleck très convaincant (voire meilleur que jamais), une Liv Tyler craquante ET foutrement obsédée, une petite fille vraiment géniale, plus J-Lo, Jason Lee, Matt Damon, Will Smith, Jason Biggs qui viennent faire des apparitions plus ou moins longues mais toujours croustillantes (ou touchantes, selon le moment). J'ai écrit combien de fois le mot "touchant", en si peu de lignes? Pas grave : Père et fille est un très bon petit film. Drôle, et très... touchant.

12 juillet 2005

SCARY MOVIE 3

Après les deux sinistres films des frères Wayans, j'aurais préféré crever plutôt que d'avoir à me farcir un troisième épisode de cette trempe. Heureusement, David Zucker, un tiers de feu les ZAZ (responsables de la plupart des Y a-t-il...), celui des deux frères Zucker qui n'a pas commis Lancelot et Ghost, a repris la franchise en main. Exit les Wayans, seules demeurent Anna Faris (blonde désormais) et sa copine noire. À leurs côtés, Charlie Sheen, adepte du genre depuis Hot shots! et sa suite, et une ribambelle de gamins qui morflent à tout va.
Signes, 8 mile, Le cercle sont les principales têtes de turc de ce Scary movie 3 qui ne fait pas dans la dentelle et évite le consensualisme de deuxième zone qui plombait sérieusement les parodies potentiellement rigolotes de Wayans, Wayans et Wayans. Ça fait quand même sérieusement plaisir de voir que tout le monde en prend pour son grade, mêmes les inorités les plus protégées.
Le niveau de Scary movie 3 n'atteint à aucun instant celui des anciens délires ZAZiens. Mais on peut d'ores et déjà constater un progrès par rapport aux deux premiers volets, et en attendant le quatrième, toujours par Zucker, qui devrait sortir en 2006.

11 juillet 2005

ATOMIK CIRCUS - LE RETOUR DE JAMES BATAILLE

Imaginez une publicité pour Orangina rouge étirée à souhait pour durer près d'une heure et demie. Vous obtiendrez ce surprenant Atomik Circus. Surprenant à force de vacuité et de déceptions en chaîne.
Le programme état pourtant assez alléchant. Un mix d'Été en pente douce et de série Z, bien bien Z. Un casting d'enfer : Jason Flemyng, Vanessa Paradis, Benoît Poelvoorde, Jean-Pierre Marielle. Des frangins réalisateurs célèbres pour leurs pubs excellemment déjantées.
Remballez vos espoirs, Atomik Circus ne tient aucune de ses promesses. Passé l'amusant point de départ, l'intrigue n'avance plus d'un poil, sauf quand, au bout d'une heure, les cinq (5!) scénaristes insèrent n'importe comment quelques extra-terrestres suceurs de cervelle, histoire d'insuffler un semblant d'intérêt au film. Les acteurs sont bien, mais ils n'ont pas grand chose à faire et le temps d'apparition de chacun n'est pas énorme. Le ton décalé (appuyé au début par une voix off blasée et larguée) tourne au vide sidéral au bout d'une dizaine de minutes. Bref, le film ne dépasse jamais le stade du délire de lycéen (et encore, il s'agirait d'un lycéen que le Prozac empêche de réfléchir plus de cinq minutes). Le pire, c'est de se dire que les frères Poiraud (dont le plus grand talent réside dans le choix des noms des personnages) ont bénéficié grâce à TF1 d'un budget extrêmement confortable, dont on ne voit pas bien l'utilité ici (à part quelques soucoupes volantes et tentacules, il n'y a rien de visuellement impressionnant). Souhaitons qu'ils se remettent à la pub pour ne plus jamais en ressortir. Les nouveaux Caro et Jeunet ne sont pas encore nés.

OLD BOY

Dantesque.
Diabloique.
Joussif.
Déprimant.
Majestueux.
Intime.
Puissant.
Grandiloquent.
Furieusement triste.
Glacial.
Foutraque.
Noir.
Poétique.
Violent.
Désespérant.
Divin.
Machiavélique.
Ecorché.
Captivant.
Repoussant.
Complètement zinzin.
Lyrique.
Gigantesque.
Sanglant.
Hypnotique.
Cornélien.
Beau.
Bruyant.
Magistral.
Onirique.
Titanesque.
Impitoyable.
Oedipien.
Bouleversant.
Grand.
Très grand.

Contrairement aux craintes qu'on pouvait exprimer, Old boy passe à merveille le cap de la deuxième vision. et donne envie de se taper d'une traite les 7 heures de bonus qui suivent.

FAHRENHEIT 9/11

Au départ était Michael Moore, un gentil redresseur de torts dont le but était de dénoncer quelques aberrations de la société américaine à travers des documentaires instructifs et divertissants. Ce Michael Moore-là a livré d'excellents docus, Roger et moi et The big one. Un jour, Michael prit conscience que son travail pouvait avoir une véritable influence sur ce qu'il dénonçait. Pour jouer avec sa popularité naissante, il se mit davantage en scène et remporta quelques jolies victoires, montrées dans Bowling for Columbine. Se prenant pour un vengeur masqué sans masque, le défenseur du Bien contre les forces du Mal, Michael oublia peu à peu que le manichéisme et la subjectivité sont deux écueils à éviter pour réaliser de bons documentaires. Bowling for Columbine, pourtant bourré de ce genre de défauts, est un film assez plaisant et très regardable, qui connut un succès immense tout autour de la planète. Dès lors, Michael décida qu'il était indispensable et commença à lutter pour empêcher la réélection de George W. Bush en ouvrant sa gueule partout et sur tout et n'importe quoi, et en sortant des bouquins et des DVD en veux-tu en voilà. Devenu un objet de commerce, Michael perdit une partie de sa crédibilité et sombra dans le manichéisme et la subjectivité, enfonçant porte ouverte sur porte ouverte, et livrant à la va-vite Fahrenheit 9/11 pour que celui-ci participe à la campagne pro-Kerry (et surtout anti-Bush). Poussés par un élan de ceux qu'ils crurent être du civisme, dix hommes et femmes en tenue de soirée lui décernèrent une Palme d'Or incongrue mais acclamée, faisant de Cannes un festival plus politique que cinématographique (car les qualités filmiques de Fahrenheit 9/11 sont faiblardes). Celà n'empecha pas les Américains de réélire largement Bush quelques mois plus tard. Alors oui, Bush est une saloperie. Oui, il a traficoté avec les Ben Laden et compagnie avant le 11 septembre. Oui, il est stupide. Mais que nous apprend Moore de plus que n'importe quel des 150 bouquins traitant du même sujet et sortis plus ou moins après le 11 septembre? Rien. Et en voulant encore mêler politique et spectacle, mais avec de plus en plus de spectacle (on se croirait dans un spectacle de Guignol, avec le gentil Michael qui donne des coups de bâton sur le méchant président), Moore perd toute crédibilité et foire complètement son but. Et quand on lit qu'il souhaite faire un Fahrenheit 9/11 2 (pourquoi pas un sous-titre du genre "Michael strikes back"?), on a peur qu'il fasse encore pire la prochaine fois. À l'heure où tous les journaux français se demandent si politique et spectacle peuvent faire bon ménage (à quelques heures du propagando-show de TF1 pour la constitution européenne), Moore offre malgré lui une réponse : oui, si on privilégie d'abord l'information, et pas les paillettes. Et si on évite la précipitation, histoire d'avoir un minimum de recul. William Karel l'a fait, ça a donné Le monde selon Bush. Un film autrement plus utile que bien des Fahrenheit.

08 juillet 2005

NAPOLEON DYNAMITE

Il s'appelle Napoleon Dynamite, et c'est déjà mal parti pour lui. Il est moche, ringard, stupide, mythomane et rejeté par tous. Sa famille est presque pire que lui. Son seul ami, Pedro, est un Mexicain qui pense pouvoir être élu président des élèves du lycée parce qu'il a un vélo et qu'il est le seul à avoir une moustache. Napoleon décide de l'aider, et de prouver... qu'il n'a rien à prouver.
Tourné avec 6.000 dollars et des comédiens mormons, Napoleon Dynamite était précédé d'une jolie réputation et d'un joli score au box-office (il a rapporté environ 700 fois son budget). C'est en effet un film bien foutu et divertissant qui plombe un peu l'ambiance tellement l'ensemble des personnages est composé de losers de la pire espèce. Ça sent le renfermé et la sueur rance à chaque coin de chaque plan. Tous les personnages, pourtant déjà bien au fond du trou, semblent vouloir descendre encore plus bas. Et ils sont tellement pathétiques qu'on n'a pas vraiment envie qu'ils s'en sortent.
Le film de Jared Hess rappelle un peu un Wes Anderson version young age. Napoleon est d'ailleurs assez semblable à Dudley, le patient compulsif de Bill Murray dans La famille Tenenbaum. Malgré quelques longueurs, on passe un bon moment, et on retient le nom de Jared Hess, qui cache un sacré paquet de talent.

CRONOS

De Guillermo Del Toro à Alejandro Amenábar, le fantastique hispanophone se porte bien. Preuve en est avec ce Cronos, l'un des premiers films du gros Del Toro. L'histoire d'un petit scarabée en or qui vampirise peu à peu la vie d'un antiquaire qui passait par là, interprété par l'incontournable Federico Luppi, le Jean-Pierre Cassel espagnol. Rarement la vampirisation et la dépendance auront été aussi bien croquées. Del Toro mèle des éléments de tragédie et de comédie populaire à sa sauce fantastique, et le tout prend très bien. C'est donc à la fois très drôle (Ron Perlman et son désir de chirurgie esthétique, un embaumeur pas très doué) et très inquiétant (la progressive transformation physique de Luppi, et sa relation bizarroïde avec sa petite-fille mutique). C'est le film qui a révélé Del Toro à la face du monde, et on comprend pourquoi.

LUNE FROIDE

Il y a quelques semaines sortait Imposture, le deuxième long métrage de Patrick Bouchitey. Un polar franchement moisi, décousu et sans style. Tout le contraire de son premier film, Lune froide, réalisé 14 ans auparavant. Inspiré de deux nouvelles de Charles Bukowski tirées de Contes de la folie ordinaire, Bouchitey raconte l'histoire de deux paumés : un jeune branleur qui considère les femmes comme (je cite) "des trous" (Bouchitey lui-même), et son pote plus renfrogné et sentimental (magnifique Jean-François Stévenin). Tous deux errent et boivent des bières. Le premier fait souvent allusion à une "sirène" qu'ils se sont tapée, ce qui ne plaît pas beaucoup au second. Et pour cause : cette sirène, c'est le cadavre d'une belle jeune fille, sur lequel les deux bonshommes ont pratiqué la nécrophilie avant de le jeter à la mer.
Bouchitey fait preuve d'une belle maîtrise de la mise en scène. Son noir et blanc convient aussi bien aux incursions poético-alcoolisées des deux compères qu'aux moments plus tristes, baignés de spleen, qu'ils traversent.
Lune froide n'est pas un éloge de la nécrophilie : c'est un film qui parle d'amour, le vrai amour, sous toutes ses formes. L'amour transcendé par la Budweiser, la baise, la glande. Mais l'amour quand même.

07 juillet 2005

DR. KINSEY

Kézako, le rapport Kinsey? Eh bien, mes amis, il s'agit d'un rapport paru en 1948 traitant des comportements sexuels des Américains, et qui a évidemment fait scandale. Dr. Kinsey retrace l'histoire de ce rapport et celle de son auteur. Un ex-entomologiste de génie qui a tenté de bousculer bien des tabous en prenant le risque de gâcher sa vie privée. Un type qui a écrit sur la sexualité des autres mais qui n'a jamais vraiment su réguler la sienne.
Un sujet fort nécessite une équipe forte pour le traiter. Ça commence par l'interprète d'Alfred Kinsey : Liam Neeson et son petit noeud papillon font merveille, bien entourés par Laura Linney et Peter Sarsgaard, entre autres. Davantage de réserves en ce qui concerne la réalisation de Bill Condon (un nom très approprié pour ce genre de sujet), un peu trop figée dans le classicisme pour pouvoir vraiment transcender le sujet. On en reste donc au stade du biopic, de qualité certes, mais qui semble avoir été fait autant pour faire la course (ratée) aux Oscars que pour rendre véritablement hommage à celui qui a décoincé l'Amérique.

LE JOUR DE LA BÊTE

On connaît la recette Iglesia : perversions, déjante totale, décalage permanent. Le jour de la bête n'échappe pas à la règle, avec l'histoire de ce prêtre qui décide à la veille de Noël de commettre pêché sur pêché pour pouvoir rencontrer l'Antéchrist. Ça déraille donc comme il faut, l'Église n'a pas dû forcément apprécier, mais comment s'attaquer à un type nommé de la Iglesia?
Alors évidemment, comme d'habitude chez Alex, le scénar patine au bout d'une heure. Mais on a connu bien pire déclin de ses scénars.
L'intérêt de tous ses films, finalement, réside davantage dans l'atmosphère générale que dans les intrigues et les gags. Ça peut légitimement fatiguer. Ou être un formidable destressant.

MAR ADENTRO

Nommés petits génies ès thrillers et fantastique après Tesis, Ouvre les yeux et Les autres, le réalisateur Alejandro Amenábar et son fidèle coscénariste Mateo Gil ont décidé de changer rigoureusement de genre en adaptant le livre de Ramón Sampedro, Mer intérieure. Un livre dans la veine de ceux de Vincent Humbert et Jean-Dominique Bauby. Sampedro, tétraplégique vivant 24 heures sur 24 sur un lit d'hôpital, y explique son calvaire et demande le droit de mourir dignement.
Alors voilà. Amenábar filme les derniers jours d'un homme qui s'apprête à s'auto-euthanasier. Comme tout ceci ne fait pas vraiment grand spectacle, il insère des séquences oniriques, d'un mauvais goût assez embarrassant, où Ramón vole. Entre deux, il offre un pensum qui insiste lourdement sur sa propre dignité et celle de son héros pour justement faire pleurer un peu plus dans les chaumières. Des conversations interminables sur le droit de disposer de sa propre vie, et ô, c'est beau la vie, et les fauteuils roulants c'est le contraire de la liberté, et tiens donne-moi un peu d'eau, et ho ho ho regardez comme je suis digne. C'est lourd, explicatif, franchement pas transcendant. Le voyage immobile proposé par Amenábar n'a pas lieu. On en vient à souhaiter que Sampedro abrège ses souffrances au plus vite (et les nôtres, par la même occasion).
Il faut aussi avouer qu'Amenábar est si bon dans le film de genre qu'on n'a pas vraiment envie de le voir faire autre chose. Mais, par exemple, on pensait la même chose d'Une histoire vraie de Lynch, qui nous a convaincu qu'on avait tort. Ce que le jeune Alejandro n'a pas su faire.

BIENVENUE EN SUISSE

Le gruyère (sans trou, surtout), le chocolat, les montres, les banques, les alpages, le feu au lac... Voilà les premières choses qui viennent à l'esprit lorsque l'on pense à la Suisse. Léa Fazer nous y accueille pour dépeindre son beau pays sans pour autant dynamiter les lieux communs qui tissent notre vision de la Suisse. Alternant saynettes résumant les caractéristiques principales des Suisses (et surtout de Vincent Perez, étonamment très bon) et scènes de comédie conjugale entre Denis Podalydès et Emmanuelle Devos, la réalisatrice offre un début de film sympathique et sans prétantion. Dommage que la deuxième partie s'engonce dans un imbroglio sentimentalo-policier sans grand intérêt et sans grand rapport avec le reste. Ça donne quand même gravement envie d'aller faire un tour de l'autre côté des Alpes.

LA DÉFENSE LOUJINE

À la base, un roman méconnu de Nabokov, l'auteur de Lolita. Et le premier film américain de la néerlandaise Marleen Gorris, auréolée d'un Oscar du film étranger pour Antonia et ses filles. La réalisatrice fait preuve d'un classicisme hors pair : rien ne dépasse ni dans la mise en scène, ni dans l'interprétation, exception faite de John Turturro, éblouissant dans le rôle-titre d'un joueur d'échecs quasi-autiste qui tombe amoureux d'une jeune fille de bonne famille (Emily Watson). Le film développe d'une part la drôle d'idylle qui se tisse entre les deux personnages sur fond de championnat du monde d'échecs, et d'autre part la jeunesse tourmentée et initiatique de Loujine.
On nage donc dans le pur classicisme et le bon goût. Aucune surprise ne vient jalonner le film, et on se contente d'observer un travail soigné et exécuté visiblement avec passion. C'est déjà ça. Rien de plus.

06 juillet 2005

JAY & BOB CONTRE-ATTAQUENT

Planquez-vous, ils sont de retour. Après Clerks, Méprise multiple, Dogma et autres, voici l'épisode de trop pour Jay & (Silent) Bob. Un truc si poussif, scato (Dogma faisait fort dans ce domaine, mais Smith en remet une couche), vulgaire qu'à côté Jean-Marie Bigard passerait presque pour un chantre du bon goût. On suit donc Jay (le détestable Jason Mewes, qui mériterait 20 mandales à la seconde) et Silent Bob (Kevin Smith, qui a au moins la qualité de fermer sa gueule) qui cavalent vers le tournage du film inspiré de leurs propres aventures. Des grognasses aux gros seins, des flics débiles, un singe facétieux (ha ha) les entourent. Et aussi Matt Damon et Ben Affleck, dans des caméos qui font certainement le meilleur (ou plutôt le moins affreux) du film. Un film agréable comme une flatulence et beau comme un étron. Paraît que Kevin Smith a mis un terme à sa série de comédie jayandbobesque. C'est un soulagement.

MAN ON FIRE

Fidèle à sa réputation de faiseur, Tony Scott s'est attelé à l'adaptation du roman de A.J. Quinnell, qu'il avait envisagé il y a 20 ans avant de céder son siège à Élie Chouraqui pour partir faire Top gun.
C'est donc l'histoire d'un ex-tueur de la CIA engagé au Mexique pour surveiller la fille d'un industriel.
Première partie : 70 minutes de clichés. Creasy (Denzel Washington) est suicidaire, boit comme un trou, et rencontre Pita (Dakota Fanning, omniprésente sur les écrans), qui l'apprivoise en deux clins d'oeil. Le but est certainement de faire renifler le spectateur.
Entracte : Creasy se fait avoir comme un bleu et Pita se fait enlever sous ses yeux alors que même moi, j'avais vu le danger avant lui. Et en plus, il morfle sérieusement.
Seconde partie : 70 minutes de vengeance. Creasy oublie ses blessures et part venger Pita (dont la mort a été annoncée partout) à coups de châtiments corporels et de bombes à retardement dans le cul. Tony Scott orchestre une joyeuse apologie de la vengeance (bien pire encore que la loi du talion) qui se conclut en apothéose. Parce que, figurez-vous, le petite fille n'est pas si morte. Et ce qu'on avait pris pour un audacieux parti pris (faire mourir un gosse, c'est très rare à Hollywood, seul Siri a osé cette année) se transforme en une fontaine à eau de rose. Finalement, Creasy procède à un échange d'otages entre Pita et lui-même, avant de mourir dignement dans la voiture de ses ravisseurs.
Man on fire semble avoir été conçu pour faire pleurer les grosses brutes, celles qui d'habitude souillent leur caleçon à la vue d'une bonne scène de fusillade. Il leur permet également de s'extasier sur la mise en scène de Scott, qu'ils iront jusqu'à qualifier d'expérimentale (je n'invente rien) alors que le terme tape-à-l'oeil convient mille fois mieux (en gros, c'est un mix entre Spy game et Ennemi d'état, en se prenant dix mille fois plus au sérieux). Tant mieux pour eux.

05 juillet 2005

RETOUR À LA FAC

Entre les cartons Road Trip et Starsky et Hutch, Todd Phillips avait réalisé ce Retour à la fac. Un titre qui sent le Ferris Bueller et le Breakfast club à plein nez. Ce qui est plutôt vrai. Mais pas que. Car au-delà de la comédie sur trois trentenaires potaches qui s'installent dans leur ancien campus pour y organiser fiestas sur fiestas, il y a un constat doux-amer sur l'homme à 30 ans. Au moins autant d'années devant lui que derrière, et pourtant une impression malaisante d'avoir déjà passé les meilleurs moments de son existence. Alors, pour remédier à ce grave problème, le mâle boit de l'alcool à la pompe et organise des concours de lutte dans des piscines de vaseline. On rit (à condition d'être à la base d'humeur joviale), mais l'impression générale qui resort de ce Retour à la fac relève plutôt du bourdon que de la joie franche. Ce qui est tout de même un joli tour de force.

TAKING LIVES - DESTINS VIOLÉS

Encore une histoire de serial killer qui fait joujou avec les flics qui le poursuivent... La particularité de celui de Taking lives, c'est qu'il tue pour prendre l'identité de ses victimes. Une originalité bien mal exploitée par un scénario plutôt laborieux, mais qui ménage quelques effets relativement surprenants et qui, à défaut d'offrir au whodunit une résolution géniale, propose d'intéressantes scènes concernant la relation entre Angelina Jolie et Ethan Hawke, qui sert d'appât au tueur. Ce serait donc un thriler lambda mais efficace si la dernière scène, d'un ridicule assez prodigieux, ne venait gâcher ce qui tenait encore debout. On avait connu D.J. Caruso plus en réussite avec son premier long, l'excellent Salton sea. Espérons qu'il se remette à des projets aussi singuliers plutôt qu'à des machineries hollywoodiennes sans grand intérêt.
Au fait, gigantesque spoiler pour ceux qui auraient la flemme de voir le film : le tueur, c'est lui.

LADY CHANCE

Pour rembourser une dette de jeu, l'homme le plus poissard du monde est employé dans un casino comme cooler, le type qui vient porter malchance aux joueurs trop veinards. Alors qu'il ne lui reste que quelques jours à tirer, il tombe amoureux d'une serveuse et rencontre son fils. Et c'est quand la poisse se barre que notre homme est dans la mouise.
Ni tout à fait polar, ni tout à fait autre chose, Lady chance est un film bâtard plaisant mais inabouti. On y suit un anti-héros incarné par William H. Macy (qui d'autre?), au quotidien et au métier peu ordinaire, dont la vie bascule lorsqu'il rencontre la aaaaaargesque Maria Bello. Un gros tas de fric, une femme plutôt fatale, un employeur pas content : on a là tous les éléments du film noir, et pourtant le débutant Wayne Kramer préfère distiller un curieux drame burlesque, séduisant par moments et frustrant par d'autres. Mais l'interprétation haut de gamme et une réalisation classieuse font de Lady chance un film très plaisant.

04 juillet 2005

QUAND LA MER MONTE...

Difficile de trouver quelque chose d'intéressant à dire à propos de Quand la mer monte.... Pas que ce soit un mauvais film, non. C'est juste qu'il est relativement ordinaire, pour ne pas dire banal. À la base, c'est le récit du quotidien d'Irène (Yolande Moreau), qui sillonne les villes du Nord de la France pour y jouer son one-woman show qui remporte un joli succès. Un quotidien un peu chamboulé par sa rencontre impromptue avec Dries, qui bosse à l'intérieur des géants de papier mâché pendant les carnavals. On pense à Je ne vois pas ce qu'on me trouve, où il arrivait sensiblement la même chose à Jackie Berroyer. Mais là où Christian Vincent menait un récit à la fois tendre et ironique, Yolande Moreau et Gilles Porte ont tout misé sur le caractère sentimental de la relation Irène/Dries. Une relation pas inintéressante puisqu'assez singulière (les deux héros ne sont pas spécialement attirants et leurs cheveux ne sont pas franchement propres). Mais on reste quand même dans une sorte de banalité crasse qui ne fait monter ni la mer ni l'attention du spectateur. Les dernières minutes sont les plus intéressantes. Pas vraiment suffisant pour que Quand la mer monte... laisse un souvenir impérissable.

02 juillet 2005

BIRTH

Je tiens à adresser mes excuses au monde entier. J'avais un a priori ultra négatif à l'encontre de Birth, que je n'ai pas daigné aller voir en salles. Le réalisateur peu attirant, l'affiche avec Nicole Kidman à cheveux courts ressemblants à Christine Boutin (resseblance frappante, signalée à juste titre dans les Inrocks), le thème propice à la naissance d'une niaiserie ultime (ça rappelle Sale môme de Turteltaub, ou ce genre de truc chiant et dégoulinant).
Alors qu'en fait, Birth est un film déroutant, qui ne joue jamais la carte du fantastique mais préfère dérouler tout en sobriété le trouble vécu par le personnage de Nicole Kidman face à ce môme de dix ans qui prétend être son mari (mort dix ans auparavant). Glazer et son scénariste Jean-Claude Carrière nous racontent finalement une histoire d'amour entre une femme et un gosse, et posent des questions dérangeantes et existentielles : qui est l'être aimé? pourquoi l'aimer? comment savoir si on aime? Les fragments de réponses qu'ils apportent sont d'une intelligence rare. Quant à la fin, qui avait 99 chances sur 100 d'être décevante (soit trop moraliste, soit trop borderline pour être honnête), elle est d'un brio, d'une modestie et d'une tristesse telles, qu'il est permis d'en tomber sur le cul.
Birth est un très bon film, et je m'en vais le crier sur les toits.

01 juillet 2005

1er semestre 2005 - bilan musique

Il faut avouer que niveau musique, ce premier semestre n'a pas été particulièrement mémorable. Plein de disques de grande qualité, mais rien de fondamentalement bouleversant. Et seulement trois disques français (ce qui est très inhabituel chez votre serviteur). M'enfin, attendons donc le deuxième semestre.











01. Willy Mason - Where the humans eat
02. Mathieu Boogaerts - Michel
03. Eels - Blinking lights and other revelations
04. M.Ward - Transistor radio
05. Bloc Party - Silent alarm
06. Last days soundtrack
07. Kent - Bienvenue au club
08. Raphael - Caravane
09. 3 guys never in - 3 guys never in
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