11 juillet 2005

FAHRENHEIT 9/11

Au départ était Michael Moore, un gentil redresseur de torts dont le but était de dénoncer quelques aberrations de la société américaine à travers des documentaires instructifs et divertissants. Ce Michael Moore-là a livré d'excellents docus, Roger et moi et The big one. Un jour, Michael prit conscience que son travail pouvait avoir une véritable influence sur ce qu'il dénonçait. Pour jouer avec sa popularité naissante, il se mit davantage en scène et remporta quelques jolies victoires, montrées dans Bowling for Columbine. Se prenant pour un vengeur masqué sans masque, le défenseur du Bien contre les forces du Mal, Michael oublia peu à peu que le manichéisme et la subjectivité sont deux écueils à éviter pour réaliser de bons documentaires. Bowling for Columbine, pourtant bourré de ce genre de défauts, est un film assez plaisant et très regardable, qui connut un succès immense tout autour de la planète. Dès lors, Michael décida qu'il était indispensable et commença à lutter pour empêcher la réélection de George W. Bush en ouvrant sa gueule partout et sur tout et n'importe quoi, et en sortant des bouquins et des DVD en veux-tu en voilà. Devenu un objet de commerce, Michael perdit une partie de sa crédibilité et sombra dans le manichéisme et la subjectivité, enfonçant porte ouverte sur porte ouverte, et livrant à la va-vite Fahrenheit 9/11 pour que celui-ci participe à la campagne pro-Kerry (et surtout anti-Bush). Poussés par un élan de ceux qu'ils crurent être du civisme, dix hommes et femmes en tenue de soirée lui décernèrent une Palme d'Or incongrue mais acclamée, faisant de Cannes un festival plus politique que cinématographique (car les qualités filmiques de Fahrenheit 9/11 sont faiblardes). Celà n'empecha pas les Américains de réélire largement Bush quelques mois plus tard. Alors oui, Bush est une saloperie. Oui, il a traficoté avec les Ben Laden et compagnie avant le 11 septembre. Oui, il est stupide. Mais que nous apprend Moore de plus que n'importe quel des 150 bouquins traitant du même sujet et sortis plus ou moins après le 11 septembre? Rien. Et en voulant encore mêler politique et spectacle, mais avec de plus en plus de spectacle (on se croirait dans un spectacle de Guignol, avec le gentil Michael qui donne des coups de bâton sur le méchant président), Moore perd toute crédibilité et foire complètement son but. Et quand on lit qu'il souhaite faire un Fahrenheit 9/11 2 (pourquoi pas un sous-titre du genre "Michael strikes back"?), on a peur qu'il fasse encore pire la prochaine fois. À l'heure où tous les journaux français se demandent si politique et spectacle peuvent faire bon ménage (à quelques heures du propagando-show de TF1 pour la constitution européenne), Moore offre malgré lui une réponse : oui, si on privilégie d'abord l'information, et pas les paillettes. Et si on évite la précipitation, histoire d'avoir un minimum de recul. William Karel l'a fait, ça a donné Le monde selon Bush. Un film autrement plus utile que bien des Fahrenheit.

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