30 janvier 2006

ZOOLANDER

Stiller, Wilson, Ferrell. Une critique qui commence comme ça est suffisamment complète pour que la feignasse derrière son clavier ait envie de valider son texte et d'aller fouetter d'autres chats. Car le trio cité ci-dessus (auquel il convient dorénavant d'ajouter Vince Vaughn, qui apparaît vite fait ici) suffit à causer de franches poilades. Si l'on peut préférer d'autres stilleries bien plus généreuses en connerie (alors que le pitch était propice à faire de Zoolander le film le plus con du monde),"on passe un excellent moment" comme dirait Télé Star. Quand on voit le niveau de notre cinéma comique national, il est interdit de faire la fine bouche (Michael Youn, Kad, Olivier et les autres feraient bien de prendre des leçons aux Etats-Unis).
6/10

29 janvier 2006

ENGRENAGES

Bienvenue chez David Mamet. Scénariste de talent, Mamet affectionne tout particulièrement les films à tiroir avec arnaque à la clé. Engrenages est peut-être ce qu'il a fait de mieux dans le genre. Si l'on commence à connaître quelques ficelles, on se fait encore bien mener en bateau. Mamet tient le spectateur à distance sans jamais l'égarer, en lui faisant croire qu'il a tout compris (alors que non). Résultat : l'intrigue tordue et futée reste accessible au plus grand nombre, et Engrenages devient un film jubilatoire et facile à suivre, mené par le grand Joe Mantegna. S'il est permis d'être un peu déçu par le dénouement (quand on a goûté aux tiroirs, on en demande toujours plus), cela n'empêche pas Engrenages de rentrer dans le rang des grandes oeuvres de Mamet, juste à côté de La prisonnière espagnole (avec lequel il partage le même genre de héros, froid et coincé, le pigeon idéal).
8/10

25 janvier 2006

MARIA PLEINE DE GRÂCE

Maria laisse tomber son job de désépineuse de roses et décide de gagner sa vie autrement. Mission : faire passer de la cocaïne dans son estomac depuis sa Colombie natale jusqu'aux USA (faire la mule). Risqué. Maria pleine de grâce est passionnant dans son aspect documentaire : comment avaler une soixantaine de balles de cocaïne sans les mâcher? Combien on gagne? Joshua Marston dissèque consciencieusement le modus operandi de cette opération délicate, et si ce n'est pas cinématographiquement génial, ça a au moins le mérite d'être très instructif. Ensuite, lorsque Maria arrive aux États-Unis (bah non, je ne déflore rien, le film dure une heure et demie, quand même), Maria pleine de grâce vire au mélo un peu larmoyant. Et là, on décroche. Reste que tout cela n'est pas déshonorant, mais que le concert de louanges fait au film est sans doute excessif.
6/10

A DIRTY SHAME

C'est un film de John Waters, donc ça se passe à Baltimore. Y vit une drôle de communauté de gens devenus accros au sexe suite à des chocs accidentels. Une sorte de catalogue de perversions en tous genres, ce qui donne quelques scènes assez rigolotes. Mais, passé ce côté drôle mais anecdotique, que trouve-ton dans A dirty shame? Réponse : pas grand chose. Car John Waters a bien vieilli. La provoc sent le renfermé et le film tourne en rond. Une fois que Tracey Ullman a pris douze coups dans la tronche, la transformant soit en coincée du cul soit en adepte du bouffage de foufoune, on se lasse. Et A dirty shame de tourner à vide, symbole ultime de la déchéance de papy Waters. Reste le plaisir de voir Selma Blair s'amuser comme une folle avec ses seins abracadabrantesques, et une ou deux grand-mères coincées finalement plus drôles que les dépravés eux-mêmes.
5/10

STRANGE DAYS

30 décembre 1999. Atmosphère de fin du monde. Trafiquant de vidéo-films un peu spéciaux (ils se branchent directement sur le cerveau pour plus de sensations), Lenny Nero se retrouve confronté à un meurtrier-artiste qui crée de très jolis snuff movies. Fort en gueule et rond en bouche, Strange days mêle habilement le thriller "futuriste" (rappelons qu'il date de 1996) au drame social. La peur règne sur la ville, c'est l'émeute à chaque coin de rue, le racisme et la violence sont partout. Malgré son côté SF, le film colle drôlement à notre époque. La toujours très intéressante Kathryn Bigelow parvient à la fois à nous captiver avec un whodunit classique mais attractif, et à nous faire cogiter un peu. S'il est un brin complaisant dans son utilisation de la violence (se retrouvant pris au piège de ce qu'il dénonce), et s'il traîne parfois en longueur, Strange days est un objet singulier et passionnant, à ne pas mettre cependant entre toutes les mains (c'est violent violent).
8/10

18 janvier 2006

SYMPATHY FOR MISTER VENGEANCE

La vengeance est un plat qui se mange froid. Mais parfois, on ne devrait même pas la manger du tout. La meilleure partie de Sympathy for mister Vengeance est en fait tout ce qui précède cette fameuse vengeance. La mise en place du truc, quoi. Un pauvre sourd-muet voudrait filer son rein à sa soeur mourante, mais il n'est pas donneur compatible. Alors il fait appel à une entreprise clandestine qui lui propose de lui prendre un rein et 10 millions de wons contre un rein compatible. Évidemment, il se fait avoir comme un bleu. Et décide de kidnapper la fille de son ex-patron... Et ainsi de suite. Un pauvre loser, qui ne peut pas parler, ni entendre, avec une putain d'entaille sur le flanc et un rein en moins, va continuer à s'enfoncer dans la merde aussi longtemps qu'il pourra encore respirer. C'est très plaisant, mais tout ceci ne dure que trois quarts d'heure. Ensuite, pour des raisons que même Télé 7 jours ne mettrait pas dans son "Si vous avez manqué le début", une vengeance se met en place. Et là, d'embrouillaminis en aberrations scénaristiques, de racolage filmique en scènes interminables, on décroche. Parce qu'en voulant à la fois choquer et faire la morale, PCW ne parvient qu'à mettre son film au niveau d'un Charles Bronson. Et, nom de Dieu, que c'est long. Finalement, les trois films de la saga vengeresse de Park ont en commun ce côté mélo provocateur. Là où Old boy sort du lot, c'est qu'il le fait avec une esthétique bédéisante et bruyante qui rend complètement digeste même le plus atroce des procédés. Alors que dans le cinéma traditionnel, c'est bien connu, le pus et la guimauve n'ont jamais fait bon ménage.
4/10

17 janvier 2006

LOVE, ETC.

Heureusement que François Truffaut est mort : son Jules et Jim, déjà sérieusement daté, a pris une grosse claque dans la gueule avec la sortie de ce magnifique Love, etc. Un drame fantaisiste et intime où, si trois est forcément égal à deux plus un, le traitement n'est pas aussi bêtement mathématique. Marion Vernoux commence par le commencement, avec la rencontre de Benoît (Yvan Attal) et Marie (Charlotte Gainsbourg). Lui, vieux dans un corps de jeune ; elle, timide et soucieuse de s'engager. S'en suit la rencontre avec Pierre (Charles Berling), le meilleur ami de Benoït, un brin hurluberlu, et très séducteur. Ça commence comme une amitié triangulaire, ça se poursuit en eau de boudin. Ici, chaque déclaration de non-amour semble vouloir dire le contraire et chaque petit mot ou petit geste peut être ressorti de son contexte pour devenir une preuve édifiante. Du livre de Julian Barnes, original mais vraiment trop lourd, Marion Vernoux et sa coscénariste ont extrait le meilleur (narration à trois voix, apartés surréalistes) et remplacé le pire (à la place des cent pages les plus pénibles du roman, où le mari trompé prend conscience de la situation, un monologue blessé sur fond de Leonard Cohen fait le boulot). Trio d'acteurs parfait, réalisation toute en finesse : Love, etc. est l'un des plus beaux films qu'on ait pu voir sur l'amour, l'amitié et le gloubi-boulga.
9/10

LA BOUCHE DE JEAN-PIERRE

Sa maman cloîtrée à l'hosto pour dépression, la petite Mimi est recueillie tant bien que mal par sa tata Solange et son fiancé Jean-Pierre. Le malaise rode. Mimi ne trouve pas sa place. Jean-Pierre fait ami-ami. Puis se fait plus pressant... Mais attention, Lucile Hadzihalilovic a beau être la femme de Gaspar Noé (qui est ici directeur photo et monteur), La bouche de Jean-Pierre n'est pas un film "choc". Même si le film est esthétiquement très proche de Seul contre tous, il n'y a aucune scène insoutenable. La pédophilie reste sous-jacente. L'important (et le plus réussi), c'est cette ambiance irrespirable qui donne envie d'aller prendre une bonne douche pour se purifier un peu. Si La bouche de Jean-Pierre porte un peu trop la patte de Noé, il augurait du meilleur quant au talent de Lucile Hadzihalilovic. Talent amplement confirmé par la suite avec le superbe Innocence.
7/10

MEURS UN AUTRE JOUR

Ça fait bien longtemps que les James Bond sont un brin dépassés : on a vu des Ethan Hunt et des Austin Powers leur damer le pion. Pire, de Demain ne meurt jamais en Monde ne suffit pas, la saga semblait s'enfoncer dans un marais poisseux flirtant avec la médiocrité. L'arrivée de Lee Tamahori, néo-zélandais surfant sur la vague de son déjà lointain L'Âme des guerriers, n'était pas forcément rassurante. Pourtant, Meurs un autre jour est un divertissement très amusant qui joue agréablement avec les codes bondiens. Bond y morfle sérieusement, passe des mois en prison, se retrouve sale et barbu, lui qu'aucune explosion n'était parvenue à décoiffer. Il rencontre Jinx (Halle Berry, qui apparaît dans un hommage sexy à Ursula Andress), sorte d'alter ego au féminin, la première James Bond girl à se placer à hauteur du fameux héros. On prend un certain plaisir à voir cet enchaînement de cascades décomplexées, de rebondissements improbables et de personnages génétiquement modifiés. Amusant de voir que les scénaristes ont abandonné toute envie de crédibiliser les aventures de 007. Bond peut évidemment se sortir de n'importe quelle situation, et ce au prix d'efforts surhumains et de coups de bol renversants. On se contrefiche de l'intrigue, assez obscure : Bond est de retour, et avec classe. Dommage que cette endive de Daniel Craig vienne remplacer Pierce Brosnan : celui-ci avait enfin trouvé son rythme de croisière.
6/10

15 janvier 2006

GADJO DILO

Amateur de sensations fortes à la Bernard-Henri Lévy? Voici Gadjo dilo, idéal pour les jeunes bobos qui aiment à écouter de la musique tzigane dans leur veste en daim en se pâmant sur la misère en Europe de l'Est et en affirmant "ça serait vraiment trop trippant, un voyage dans ces contrées lointaines, non? découvrir d'autres horizons, c'est fun, non? Bucarest, c'est bien en Hongrie, hein?" et en tapant sur la table, ce qui manque de faire tomber leur demi-violette sur la jupe de Sarah, 24 ans, étudiante en arts du spectacle, vous savez, celle qui se promène toujours avec un carton à dessin vert et noir plus grand qu'elle.
Par contre, si on aime le cinéma, on peut éviter (même si Romain Duris est très bien).
Pas de note, c'est shabbat.

14 janvier 2006

INNOCENCE

Un cercueil arrive d'on ne sait où. À l'intérieur, une petite fille nommée Iris. Bien vivante. Elle débarque dans un monde étrange. Une sorte d'école réservée aux filles, coupée du monde, au coeur d'une forêt bordée de grands murs. Elles y font leur apprentissage, montent chaque année en grade (c'est-à-dire que les rubans de leurs cheveux changent de couleur), et se préparent. Mais à quoi? Que foutent-elles là? D'où viennent-elles? Vous espérez des réponses? Vous en aurez. Quelques-unes. Réseau pédophile, école de danse, école de la vie, métaphore géante, expérience sociologique : chacun peut y aller de sa supposition, le film ne se décide jamais vraiment. Innocence fascine d'abord par sa rigueur, qui renvoie à celle de l'école du film. Des règles étranges régentent la vie. On n'y reçoit aucune visite, on y a peu de distractions, on ne pose pas de questions. Étrange que, passée la découverte déconcertante de ce lieu pour le moins singulier, la plupart des jeunes filles se plient au règlement sans se demander si tout ceci est bien normal. Innocence est une histoire de cycles : ceux qui caractérisent le fonctionnement de l'institution, et ceux dont l'apparition va marquer la transformation des jeunes filles en femmes. Thème confirmé par l'apparition d'un dernier symbole, peut-être trop lourd de sens, mais qui tend à faire d'Innocence le simple récit d'un apprentissage et d'une mutation. Transcendé par la réalisation froide mais pas malsaine de Lucile Hadzihalilovic (madame Gaspar Noé), Innocence est un bijou irréel, le film le plus original de 2005, mêlant mystère, trouble et contemplation.
9/10

13 janvier 2006

CRIMES ET DÉLITS

Crimes et délits fait partie des tous meilleurs films de Woody Allen, et croyez-le, il en est conscient. Le côté binaire drame/comédie de Melinda & Melinda vient d'ici. Le personnage de Martin Landau vit une histoire qui ressemble sacrément à celle du héros de Match point et qui finit pareil (ensuite, il la raconte au personnage de Woody et lui dit que ça ferait un très bon film). Bref, en ces temps de vaches maigres niveau inspiration, Woody a aspiré la subtantifique moëlle de Crimes et délits et l'a réinjectée dans ses dernières productions. La différence majeure? Le judaïsme est présent à chaque coin de Crimes et délits alors qu'il est absent de ses derniers films. On y croise un quasi sosie de Primo Levi, un rabbin qui perd la vue et plus d'un symbole religieux. Chacune dans son genre, les deux parties du film font partie des plus réussies de l'auteur. Rongé par la culpabilité et les regrets, Crimes et délits est une tragédie hilarante, ou une comédie dépressive, ça dépend de votre humeur. En tout cas, c'est formidable.
9/10

ALICE

Bien que beaucoup se ressemblent, on peut trouver une qualité particulière à chacun des films de Woody Allen. Alice se distingue de la masse de très bons films du juif new-yorkais par son côté magique, un brin suranné mais tout bonnement exquis. Il faut dire que le film part d'un postulat un brin fantastique et fantaisiste : parce qu'elle ne sait plus trop où elle en est, une bourgeoise au foyer consulte un ostéopathe-hypnotiseur, le docteur Yang, dont les prescriptions lui permettent de franchir bien des obstacles. Alice sera au choix désinhibée, puis invisible, puis aimée de n'importe quel homme qu'elle aura choisi. Dans ce qui est peut-être son meilleur rôle allenien, Mia Farrow transcende un très joli personnage. Le charme du film semble tout droit venu des années 40, une vraie magie opère, et pas seulement grâce aux herbes du docteur Yang. Woody filme des fantasmes ultimes : celui qu'ont les mecs d'être invisibles pour se promener dans les cabines d'essayage, et celui qu'ont les desperate housewives comme Alice de dire merde et de prendre enfin leur vie en main. Délicat, drôle et touchant, c'est le cocktail parfait.
8/10

LE GRAND RÔLE

Il y a des films dont les grosses ficelles devraient rebuter, mais qui distillent finalement un charme assez surprenant. Le grand rôle est de ceux-là : pas très original, le film est d'un académisme avéré qui emprunte un peu partout sans jamais innover. Quand bien même, Stéphane Freiss et sa joyeuse bande sont vachement sympathiques. La première partie les suit à l'approche du casting que le "plus grand réalisateur du monde" (un Américain, bien entendu) vient faire en France (pour une adaptation du Marchand de Venise de Shakespeare). Elle dégage une chaleur et une émotion frelatées mais bien présentes (en tout cas, j'ai marché comme une donzelle). Ensuite, on entre dans ce que le film veut vraiment raconter : recalé à la dernière minute, Maurice Kurtz apprend le même jour que sa femme est en phase terminale. Pour son bonheur, Maurice et ses potes vont lui faire croire jusqu'au bout qu'il l'a eu, ce grand rôle... Là, par contre, on nage dans le mélo le plus total, noyé dans les larmes de Bérénice Bejo. D'autant que les stratagèmes inventés pour faire illusion sont assez banals. Et que le traitement du cancer, franchement par dessus la jambe (en gros, dès que t'es malade, tu meurs dans les trois semaines sans aucun espoir de rémission), fait grincer des dents. Steve Suissa n'est vraiment pas un grand réalisateur : chaque élément de son film est surligné dix fois au marqueur orange des fois qu'on n'aurait pas compris. Mais sa sincérité est incontestable, et chez les midinettes comme moi, ça peut marcher (sur un malentendu).
6/10

CABIN FEVER

Cinq jeunes amerloques partent passer une semaine dans un chalet retiré en pleine forêt. Mais bientôt, ils ne sont absolument pas traqués par un serial killer...
Nan, en fait, leur problème, ça serait peut-être plus une maladie de peau bien dégueulasse, la fasciite nécrosante. Une saloperie de virus qui se propage facilement et fait passer la lèpre pour un soin beauté. C'est stupide? Oui. Et comme Eli Roth le sait, il fait de Cabin fever un film d'horreur qui navigue sans cesse entre le plus grand sérieux et la parodie. Le résultat est moyen moyen : humour bas de plafond, rebondissements téléphonés, rednecks déjà vus ailleurs... Restent des effets spéciaux solidement dégoûtants, et la musique d'Angelo Badalamenti (pas mal pour un premier film, non?).
4/10

12 janvier 2006

TU VAS RIRE, MAIS JE TE QUITTE

À la base, un roman gentiment drôle d'Isabelle Alexis. Adapté par Philippe Harel, qui a le don de transcender le banal dans des films captivants, on est content. Premier rôle : Judith Godrèche. On fait la grimace. Sauf que dans un rôle d'actrice un peu pétasse un peu nunuche, madame Barthélémy fait des miracles. C'est bien simple : on dirait un documentaire sur sa propre vie. Constitué de saynettes inégales mais plutôt énergiques, Tu vas rire, mais je te quitte est une comédie à la française où l'on peine à retrouver le singulier talent de Harel. Comme on dit dans Télé Star, "on passe un bon moment". Reste que ce genre de film est bien mieux réussi par nos voisins anglo-saxons ou leurs collègues états-uniens.
6/10

BARFLY

Qui dit Bukowski dit Chinaski. Henry Chinaski, alcoolo, serial baiseur, poète à ses heures, le double de l'auteur, est ici interprété par Mickey Rourke. L'acteur livre un prestation mémorable qui rend justice au grand Hank Chinaski. On sent sa bouche pâteuse et sa mauvaise haleine, sa gueule de bois constante et son esprit laconique. Dommage que la réalisation de Barbet Schroeder ne soit pas à l'unisson. Trop proprette pour coller à l'univers de Bukowski, elle creuse une certaine distance entre le spectateur et le film. Bukowski ne s'est d'ailleurs pas privé pour cracher sur le film, dont il n'était absolument pas content. Sans crier au scandale, on peut toutefois regretter que ce mauvais choix de réalisateur empêche Barfly d'accéder au statut de foutu classique. Dans le genre bukowskien, préférer le Factotum de Bent Hamer, à la mise en scène idéalement désabusée, et où Matt Dillon campe encore un meilleur Chinaski que Rourke.
7/10

AMOURS CHIENNES

Un accident de voiture destructeur implique plusieurs personnages. Ou comment trois histoires indépendantes deviennent étroitement liées. Il y a Octavio, qui voudrait bien partir avec sa belle-soeur maltraitée, et qui fait combattre son chien. Daniel, qui quitte son foyer pour vivre avec un top-model qui, le jour même, se brise les jambes dans l'accident. Et El Chivo, clochard crasseux au passé mystérieux dont les seuls amis sont des clébards. Trois histoires pas très rigolotes, déchirantes même, mixées dans une symphonie étourdissante orchestrée par Guillermo Arriaga (qui a refait parler de lui avec les scripts de 21 grammes et Trois enterrements) et Alejandro Gonzalez Inarritu. Sa caméra tremble et virevolte au gré des errances des personnages. Tout à tour impressionnant (les combats de clebs) ou émouvant (la confession téléphonique d'El Chivo), Amours chiennes impose le nom d'Inarritu comme une valeur sûre. Reste à vérifier qu'avec Babel, son prochain, il saura renouveler son style.
8/10

LE SILENCE

Comme on dit en Corse : "garde la bouche fermée et les mouches n'y entreront pas". Quand Olivier, en vacances dans la maison familiale sur l'Île de beauté, est le témoin d'un meurtre dans une station-service, il devient alors complètement mutique, choqué par ce qu'il a vu et conscient qu'ici, les gens ferment leurs gueules... Drôle de film que ce Silence, dont les ambitions sont assez troubles. On pense plus d'une fois aux Chiens de paille, dont le film serait une version light. Les personnages principaux des deux films ont en commun des difficultés à s'intégrer parmi les autochtones et une sérieuse propension à tout garder pour eux quand ça ne va pas. Si l'ennui pointe parfois le bout de son nez, Le silence n'en est pas moins un film courageux, mené par un couple idéal, Mathieu Demy et Natacha Régnier. Espérons pour Orso Miret qu'il n'a pas de maison en Corse.
6/10

11 janvier 2006

MAY

Voici l'un des films les plus romantiques de ces dernières années, un film naïf et sincère où tuer l'autre est la plus belle des preuves d'amour. Drôle de fille que cette May, que le strabisme a plongé dans la plus grande des solitudes, et dont la bizarrerie attire d'abord mais finit toujours par repousser. Alors May se confie à sa copine Soozy la poupée, à laquelle elle n'a jamais pu donner d'amour, puisqu'elle est enfermée dans un coffre vitré. Puis décidê, plutôt que de trouver le grand amour, de le construire. Un peu de couture et le tour es joué. Romantique et gore, dérangeant et sensuel, May est un drôle d'objet qui déroute mais séduit. On n'a jamais vu ça ailleurs, c'est certain. Lucky Mac Kee impose un univers foutrement original où mélanger les genres ne veut pas dire édulcorer. On en reste bouche bée.
8/10

HOUSE OF SAND AND FOG

Momentanément expulsée de la maison qu'elle tenait de son père, une jeune femme se retrouve SDF lorsqu'à la suite d'une erreur administrative, la maison est attribuée à une famille d'immigrés iraniens. S'en suit une lutte psychologique pour la reconquête de cette maison du malheur...
Le gros point fort de House of sand and fog, c'est l'interprétation. Le duel Jennifer Connelly - Ben Kingsley est transcendé à merveille par les deux acteurs. Le film évite relativement bien le manichéisme, puisque derrière la détermination butée du colonel iranien se cache un être perdu à la recherche de son identité et de sa place dans le monde. Des paumés, voilà ce que sont la plupart des personnages de ce film. Et la fin tragique (annoncée dès le début du film) ne résonne pas comme un twist racoleur destiné à faire monter l'adrénaline, mais bien comme un drame humain qui prend les protagonistes à la gorge. S'il souffre de quelques longueurs et de quelques défauts d'écriture (le personnage du flic), House of sand and fog est un film admirable et poignant.
7/10

10 janvier 2006

DODGEBALL

Avertissement : que les personnes allergiques au cinéma con passent leur chemin. Dodgeball est aussi éloigné du cinéma de Godard que Bézu l'est de Madonna. Dans Dodgeball, il y a Ben Stiller & Vince Vaughn, un sport stupide proche de la balle au prisonnier, des tas de débiles mentaux, David Hasselhoff, Chuck Norris, des jeannettes dopées, des morts atroces, de la perversité, des mecs qui se cassent la gueule, des mecs très moches qui lavent des voitures en slip de bain, une pom-pom girl obèse sans culotte, un club sado-maso pour troisième âge, les débuts au cinéma de Lance Armstrong, une pièce pleine de licornes, un type qui se prend pour un pirate, et Ben Stiller plus gros que gros. Tout ça en à peine une heure et demie. Dodgeball semble poser les nouvelles bases du cinéma con, ou comment aller encore plus loin que loin dans l'idiotie et la méchanceté gratuite. Et encore : les bonus du DVD (notamment une fin alternative jubilatoire) montrent que sans la pression des studios, le film aurait pu être encore plus radical dans la bêtise. Réalisé avec les pieds? Pas très bien écrit? On s'en fout! Dodgeball est un petit truc vraiment divertissant et sans aucune, mais alors aucune, prétention.
7/10

KEN PARK

Ken Park n'est pas le nom d'un lieu mais celui d'un jeune mec, un rouquin qui se fait exploser la cervelle dans un skate-park dès la première scène du film. Suivent quatre histoires entrecroisées mais indépendantes, celles de quatres ados plongés dans des problèmes sexuels et/ou familiaux. Il y a Shawn, qui couche avec la mère de sa copine ; Claude, qui fait du skate quand son gros beauf de père voudrait le voir faire de la gonflette ; Peaches, que l'éducation religieuse n'empêche pas de se livrer à quelques perversités ; et Tate, jeune zinzin supportant mal de vivre avec ses grands-parents. Des tranches de vie souvent drôles, mais dont le côté glauque ne fait que croître. On reconnaît la patte brillante, caustique et désespérée d'Harmony Korine, auteur fétiche de Larry Clark. Ken Park n'entend donner aucune leçon : il s'agit juste d'un constat désabusé et un peu pervers sur l'état de la jeunesse américaine, qui pose des questions un brin dérangeantes ("ta vie est pourrie, mais si tu avais pu choisir de ne pas naître, qu'aurais-tu décidé?"). Évidemment, Clark n'évite pas toujours le racolage (filmer sa fiancée à la ville en train de tailler des pipes pour de vrai ou faire des gros plans sur des couilles ne semblait pas indispensable), mais son style sec et observateur convient à merveille à ce type de sujet. Le meilleur film de Clark, pas moins.
9/10

08 janvier 2006

AND NOW... LADIES AND GENTLEMEN

Cela fait des années et des années que la France entière (à quelques exceptions près) se moque de Claude Lelouch. De temps en temps, pris dans un flot de bons sentiments, on se dit qu'on exagère vraiment, que le mec ne mérite pas cette fronde générale. Et puis on regarde un de ses derniers films. Et on change à nouveau d'avis. Passe encore que comme toute la production Lelouch depuis, allez, dix ans, And now... ladies and gentlemen soit nul. Non, ce qui fait vraiment de la peine, c'est que Lelouch semble persuadé d'être un génie. Pour sûr, il y a bien un style Lelouch, inimitable et reconnaissable entre mille. Mais ce n'est pas franchement un compliment : en fait, plus Lelouch fait de films, plus il semble devenir une sinistre parodie de lui-même. Comme s'il ne voyait jamais d'autres films que les siens et qu'il était du coup persuadé que c'est ça, le Cinéma que les gens aiment. Et d'envolées lyriques débiles en scènes d'action ridicules (le cambriolage par Jemery Irons grimé en femme est un sommet), de mots d'auteur affligeants en vérités toutes faites que Lelouch est persuadé d'être le premier à dire, And now... ladies and gentlemen creuse encore un peu plus la tombe d'un mec dont la filmo sentait déjà le sapin. Au final, que Patricia Kaas soit à chier ou que Jean-Marie Bigard joue un cardiologue ne sont plus que des détails face à cette masse de non-cinéma affligeant et nombriliste. On a dit Lelouch désespéré par tant de mauvaises critiques ; si ça peut le pousser à arrêter le cinéma, alors tout ce fiel (justifié) n'aura pas été distribué pour rien.
0/10

07 janvier 2006

OPEN WATER - EN EAUX PROFONDES

Voici un huis-clos maritime, genre nouveau à ma connaisance. Un couple d'australiens part faire de la plongée sous-marine avec un groupe, mais bientôt leurs moniteurs les oublient et repartent sans eux. S'en suit alors une terrifiante attente au milieu de nulle part. Et des requins. Ce n'est pas qu'Open water soit incroyablement flippant. Pas d'effets superflus, pas de vagues inutiles. L'essentiel est plutôt dans l'ambiance générale et dans le tour de force. Durant une bonne heure, on est seul à seul avec un couple quasi-immobile, et on ne s'ennuie pas une minute. Passant d'une émotion à une autre, de la raison à la panique, nos deux héros transmettent un malaise et une frousse plutôt communicative. Jusqu'à une fin vraiment bonne, qui a le mérite d'aller jusqu'au bout de son sujet.
7/10

06 janvier 2006

INFERNAL AFFAIRS

C'est très simple : vous prenez deux apprentis policiers, Lau et Chan. Infiltrez Chan dans la mafia pendant dix ans, faites bosser Lau comme taupe pour ces mêmes mafieux, servez chaud. Infernal affairs est un véritable jeu d'échecs, où chaque camp a un loup dans la bergerie de l'ennemi. Quand les choses commencent à tourner au vinaigre, le jeu devient de plus en plus complexe. Mais Infernal affairs n'est pas pour autant un film prise de tête. C'est simplement un excellent polar, haletant et franchement classe, qui ménage ses effets et dont les quelques tiroirs sont parfaitements digestes. Mené de main de maître par Andy Lau (également coscénariste et coréalisateur) et Tony Leung, Infernal affairs s'impose illico presto comme un classique du genre. Pas étonnant que le film ait connu deux suites (inédites dans nos salles) et que Scorsese en ait fait un remake, The departed, à sortir en 2006.
8/10

05 janvier 2006

LILA DIT ÇA

Il y a quelques années, le roman Lila dit ça a créé une petite sensation dans le milieu littéraire : auteur anonyme (il signe sous le nom de Chimo, le nom du héros du livre) et vocabulaire cru. Malgré (ou grâce à?) la maladresse de l'écriture, le livre a connu son petit succès et a poussé plus d'un jeune à prendre la plume. L'histoire? Celle de Chimo, ado paumé et écrivain en herbe, qui rencontre une jeune fille nommée Lila. Premier contact : elle lui propose de lui montrer sa chatte (c'est dit tel quel). Contacts suivants : Lila parle, Chimo écoute. Et que dit Lila? Elle raconte des histoires, sa vie sexuelle, ses fantasmes assouvis ou non, ses désirs... Chimo, fasciné et excité, est tout ouïe. Et Lila en rajoute. Mais qui sème le vent... Éminemment littéraire (ce qui tranche un peu avec son côté très réaliste), Lila dit ça est un film très bavard, qui doit beaucoup à Vahina Giocante dans un rôle d'alumeuse qui semble taillé pour elle. Tellement convaincante que le reste des acteurs semble bien fade. Et si les maladresses du roman lui donnaient un certain charme, elles sont trop flagrantes à l'écran. D'où un film pas vraiment convaincant et un brin prévisible, qui fait cependant penser au Karim Dridi des débuts.
5/10

HANNAH ET SES SOEURS

Voilà un Woody des plus classiques, un de ceux qui distraient gentiment ses fans et qui font sérieusement bailler ceux qui n'en ont rien à foutre. Un badinage sans grande originalité (par rapport au reste de l'excellente filmo allenienne, s'entend) qui vaut surtout pour ses comédiens (Mia Farrow, Michael Caine, Barbara Hershey). Restent quelques répliques géniales et quelques situations savoureuses dont seul Allen a le secret. Mais il a déjà été plus en forme ailleurs. Seulement, rappelons qu'un Allen pas exceptionnel reste tout de même un bon film.
6/10

04 janvier 2006

MEAN CREEK

Parce que c'est un gros con méchant et frimeur, Sam et ses potes décident de jouer un bon tour à George. Leur plan : l'emmener faire un tour en barque, le foutre à poil et le forcer à rentrer comme ça chez lui. Mais tout ne se déroule pas comme prévu... Soyons francs : ce n'est pas le côté surprenant de l'intrigue de Mean creek qui importe. Pas besoin d'être Einstein pour deviner par le menu ce qui va se produire. Par contre, Jacob Aaron Estes livre un film qui dit beaucoup derrière des apparences de simplicité. Si ça n'était pas déjà pris, le film aurait pu s'appeler Orgueil & préjugés : deux défauts présents chez bon nombre de personnages du film, deux défauts qui vont se retourner contre eux. La bande de gosses (de 14 à 18 ans environ) est tout bonnement étonnante, à commencer par Rory Culkin, sans doute le plus doué de la clique. Bouleversant de sobriété, n'en rajoutant jamais, Mean creek est une production indépendantes comme on les aime.
8/10

03 janvier 2006

L'ARMÉE DES MORTS

Vingt-six années après le Zombie de Romero, Zack Snyder en propose un remake moderne et inventif, qui recrée le mythe des morts-vivants sans pour autant le trahir. Là où Romero n'en faisait que des légumes lents et sans cervelle, les zombies de Snyder sont plus rapides et plus intelligents : une manière de faire croître la tension et le suspense autour de leur invasion. Comme l'original, L'armée des morts se déroule presque intégralement dans un centre commercial. Mais là où Romero en profitait pour balancer une critique acerbe de la société de consommation, Snyder préfère plutôt exploiter les nombreuses possibilités du lieu. Mais ne l'accusons pas de privilégier l'action : Snyder bâtit de très beaux personnages, que la version non-censurée met encore mieux en valeur. Flippant et futé, L'armée des morts bénéficie d'un casting brillant (autour de l'excellente Sarah Polley se dressent Ving Rhames, Jake Weber...) et d'effets spéciaux meilleurs que jamais (ceux du récent Land of the dead de Romero ne leur arrivent pas à la cheville). On attend la confirmation du talent de Snyder et celle du renouveau du film de zombies.
8/10

01 janvier 2006

LES JOUEURS

Après s'être fait dépouiller lors d'une partie épique, Mike McDermott dit adieu à sa passion, le poker. Mais quand son pote l'Asticot sort de prison, la tentation est trop forte... Discipline infiniment cinégénique, le poker sonde les âmes et dissèque les manires d'être avec plus de finesse que certaines écoles psychologiques. 1997 : après trois grands polars (dont Red Rock West), John Dahl s'est cassé la gueule pour la première fois avec Mémoires suspectes. Et c'est avec un scénario du tandem Levien/Koppelman qu'il a la mauvaise idée de revenir. Les deux tâcherons ne tirent évidemment rien de très profond du poker : ni de la psychologie des parties, ni de la dépendance vis-à-vis du jeu. Par conséquent, Les joueurs est un film mou et sans ambition, pas franchement désagréable mais pas très intense.Il y a de bonnes idées de personnages, interprétés qui plus est par de bons acteurs (Turturro, Malkovich), mais qui ne vont jamais au-delà de la silhouette. Résultat : le final en demi-teinte, censé émouvoir, n'apparaît que comme une ultime ruse de mauvais scénariste.
5/10