30 septembre 2005

UN HOMME UN VRAI

Un documentaire d'entreprise. Une comédie musicale. Un drame sociologique. Une comédie romantique. Un docu animalier. Un homme un vrai, c'est un peu tout ça à la fois, mais c'est surtout beaucoup plus. Car Jean-Marie & Arnaud Larrieu mettent le doigt dans des territoires encore vierges, loin des sentiers battus. Trois actes. Boris rencontre Marilyne lors d'une réunion d'entreprise. Cinq ans plus tard, mariés, deux enfants, leur couple bat de l'aile et implose lorsque Marilyne se lance dans une aventure lesbienne à Ibiza. Et cinq ans encore après, alors que Boris est devenu un guide de haute montagne réputé, ils se retrouvent par hasard pour découvrir l'incroyable mystère des coqs de bruyère...
Il n'y a pas vraiment de mots pour décrire ce qui se passe à l'écran pendant deux heures. Le burlesque cotoie la gravité la plus dense, on navigue perpétuellement entre la gène la plus totale et un plaisir extatique. L'histoire de Marilyne et Boris est à la fois la love story la plus touchante du monde et un conte cruel qui émaille la peinture de nos existences sordides. Par le biais d'une écriture fantisiste et débridée, transcendée par le jeu décalé et somptueux de ses deux interprètes principaux (Amalric et Fillières, dont la génie n'apprtient qu'à eux), Un homme un vrai est le machin le plus ébouriffant qu'on ait vu depuis des lustres.

PIXOTE - LA LOI DU PLUS FAIBLE

Ce qui est sûr, c'est que c'est bien mieux que l'infâme Cité de Dieu. Reste que Pixote n'est pas le film parfait : après une ouverture bizarre, où un homme (est-ce Hector Babenco lui-même?) présente le film comme s'il s'agissait d'un documentaire, Pixote conserve sa façade de doc pour présenter cette sordide prison pour délinquants brésiliens. Viols en série, violences, humiliations : on sent que tout ceci est véridique, mais on nage tout de même dans le racolage (rien ne nous est épargné). Puis, suite à un drame, il prend un tournant mélodramatique qui évite tout juste de tomber dans le larmoyant. Pixote, le petit héros, formidablement bancal, est le point le plus réussi du film. Si Babenco s'en sort donc mieux que Meirelles, le grand film sur la misère brésilienne reste à venir (j'annonce Bahia, ville basse de Sergio Machado, que j'ai eu la chance de voir à Cannes, à venir dans quelques mois, et qui, sous son aspect julesetjimesque, en dit plus long que tous les autres).

29 septembre 2005

JUNGLE FEVER

Haine raciale, adultère, chattes en chaleur : le menu des films de Spike Lee diffère rarement de cette base de départ. On y ajoutera ici les mots "manichéisme", "lourdeur", "ennui", et ça donnera une idée asez précise de ce qu'est Jungle fever. Comme Nola Darling en son temps, le héros Flipper Purify (!) n'en fait qu'à sa tête en se partageant entre sa femme noire et sa secrétaire ritale. Après une demi-heure de mise en place, le film sombre dans les travers les plus dérangeants de Lee, dont les tics de mise en scène ne font que zoomer encore un peu plus sur l'ineptie de son propos. Wesley Snipes, dans un rôle assez proche (mais moins bien écrit) de celui qu'il tenait dans Pour une nuit, prouve cependant qu'il vaut mieux que des Blade à répétition.

28 septembre 2005

DEVINE QUI VIENT DÎNER

De retour d'un séjour à Hawaï, une fille bien élevée vient présenter à ses parents l'homme qu'elle a rencontré et qu'elle compte épouser. Tut irait bien s'il n'était pas furieusement noir... Devine qui vient dîner est une charmante comédie qui dynamite un à un les clichés du racisme. Personne n'y est (sans trop de jeux de mots) tout blanc ou tout noir : chacun a à faire face à ses préjugés, quels qu'ils soient. Outre un charmant badinage de près de deux heures, Devine qui vient dîner montre que le racisme n'est pas unilatéral, que les curés peuvent être des gens biens, et que les personnes tolérantes ne sont pas celles que l'on croit. Le couple Sidney Poitier / Katharine Hepburn (oscarisée pour le rôle) est irrésistible. Et des comédies intelligentes comme celle-là, on en redemande.

27 septembre 2005

BONNIE AND CLYDE

La chanson de Gainsbourg et autres références populaires ont faire survivre le mythe de Bonnie Parker & Clyde Barrow jusqu'à nous. Bandits de grand chemin, ils trouvaient leur plaisir dans les attaques à main armée, et ne rechignaient pas non plus à buter ceux qui se mettaient en travers de leur chemin. Arthur Penn retrace leur parcours, du début (jolie rencontre) à la fin (et quelle fin!). Le film est un brillant cocktail d'humour et de gravité. Les deux ompères insouciants vivent leur amour à cent à l'heure et s'amusent bien, mais on sent un poids peser sur eux : le poids du sexe. Clyde refuse le moindre rapport sexuel avec Bonnie, préférant user à foison du phallus de substitution qu'est son arme à feu. Bien mieux qu'un Oliver Stone par exemple, Penn rend un hommage modéré à ses deux anti-héros, des fripouilles qu'il ne présente pas comme des brutes sanguinaires manipulées. Et s'avère comme l'un des meilleurs cinéastes de son époque.

26 septembre 2005

10ÈME CHAMBRE - INSTANTS D'AUDIENCES

Comme souvent chez Depardon, l'idée est simple : filmer quelques audiences de la 10ème chambre correctionnelle de Paris. On suit donc quelques procédures, de la conduite en état d'ivresse au harcèlement moral, de la simple broutille au délit plus grave. Et, incroyable, c'est passionannt de bout en bout. Sans le moindre chichi, à coups de longs plans fixes sur le prévenu, le témoin ou la présidente de la cour, il ausculte le fonctionnement de notre bonne vieille justice, et pousse l'être humain dans ses retranchements les plus contradictoires. Mauvaise foi, colère, sentiment d'injustice, indifférence la plus totale : les prévenus composent une partition fascinante de ceux qui composent la France (et finalement le monde). Ça agace, ça fait peur, ça fait rire. Depardon nous confronte également à notre condition de sale curieux limite voyeur, puisqu'on prend un plaisir salace à s'immiscer dans la vie de ces pauvres bougres. Et nous met une petite tape sur les fesses en ne nous communiquant pas toujours le verdict des affaires, ce qui provoque un incroyable sentiment de frustration. 10ème chambre est un doc tout simple, qui ne cherche ni à manipuler ni à démonter quoi que ce soit. En des temps où Michael "le manichéen" Moore est le roi du monde, ça fait du bien.

25 septembre 2005

BLUE VELVET

Dans une ville colorée et verdoyante, Jeffrey Beaumont, jeune homme propre sur lui, découvre une oreille tranchée sur un terrain vague. Pour fuir son existence ennuyeuse, il mène l'enquête et se retrouve mêlé à une affaire de pleine de gens troubles, dont une chanteuse un brin masochiste, Dorothy Vallens... Évidemment, comme on est chez David Lynch, c'est à la fois bien plus compliqué et trouble que ça. Plus que l'intrigue, c'est l'ambiance qui compte. Au gré de longues scènes léthargiques et/ou voyeuristes, Lynch fait voyager le spectateur qui le désire vers des contrées lointaines, et tout ça en laissant son héros planqué dans un placard. Si on navigue dans un univers bien moins complexe et travaillé que ceux de Mulholland Drive et Lost highway. Mais Lynch sait faire naître l'inquiétude dans les endroits les plus surprenants. La scène d'ouverture, par exemple, fiche une trouille saisissante. Le savoir-faire lynchien n'est pas à mettre en doute. Son génie scénaristique non plus. Reste à savoir qui est son dealer.

24 septembre 2005

BATMAN LE DÉFI

Avant que Joel Schumacher ne vienne tout réduire en charpie, Tim Burton a eu le temps de pondre un deuxième épisode de Batman. Et pas des moindres. Batman le défi bénéficie tout d'abord de la présence des deux meilleurs méchants issus des comics : le Pingouin, et la vénéneuse Catwoman. Deux personnages d'une noirceur rare qui donnent tout son style au film. Burton a mis les petits plats dans les grands : la représentation de Gotham City est encore plus réussie que dans le premier volet. Gotham est devenue un personnage à part entière, et c'est admirable. Quant à Batman, il s'affirme davantage que dans le premier film, et l'ambivalence de sa relation trouble avec Selina Kyle/Catwoman est des plus réussies. Il se produit quelque chose de fascinant dans Batman le défi : le moindre mot, le moindre geste, tout déborde d'un érotisme torve qui fait tressaillir. On sent Burton plus à l'aise dans ce film que dans le précédent : on navigue dans un univers burtonisé, mais qui n'éclipse en rien la création de Kane. Batman le défi est un grand film dépressif, avec à sa tête un petit être chétif qui souffre d'avoir été rejeté par ses parents. Il s'agit bien entendu du Pingouin, mais on peut y voir une analogie confondante avec la biographie de Tim Burton. C'est émouvant. C'est prodigieux.

23 septembre 2005

BATMAN

Qu'en est-il de la vision de Batman par Tim Burton? Eh bien, comme on pouvait s'y attendre, Burton transcende le comic de Bob Kane pour livrer un film où la noirceur et le délire sont savamment mêlés. Le véritable héros du film, le Joker, en est le révélateur. Son sourire forcé est si étiré que celui qui aurait pu passer pour un simple clown prend une dimension vraiment flippante. Et plutôt que d'en faire un sale type dont le seul hobby est de dézinguer des gens, Burton en fait un barjo total qui veut faire du monde une oeuvre d'art dont la beauté, certes discutable, porte une identité forte et affirme un style unique. Face à lui, Michael Keaton et Kim Basinger ne sont pas en reste, même s'ils relèvent davantage de l'imagerie hollywoodienne. Il n'empêche que c'est un plaisir paroxystique que l'on éprouve à déambuler dans Gotham City, LA réussite de Burton, un univers noir et baroque qui fait franchement froid dans le dos. Il prend plus de temps à nous présenter la ville, ses ruelles sombres et ses buildings, qu'à nous introduire les personnages. Et on lui en est reconnaissant : pas d'overdose de flashbacks ou de scènes d'exposition. Burton met son esthétique au service de la psychologie, et met une grosse claque au film de super-héros (Richard Donner et Christopher Reeve ont dû en pisser dans leur froc). Du grand art.

22 septembre 2005

THE COAST GUARD

The coast guard est un film de mâles. Avec des hommes, des vrais, qui jouent au foot et crapahutent dans la boue. Mais qui ne sont finalement rien de moins que des gonzesses, au sens bien machiste du terme, avec pleurnicheries et lubies en tous genres.
Kim Ki-duk montre superbement la tempête sous le crâne de son anti-héros (un garde-côte coréen qui a abattu un pêcheur qu'il prenait pour un espion) mais n'évite pas toujours le racolage traumatique : par moments, on se croirait dans un mauvais Pialat, et l'hystérie sonne faux. Reste que l'habileté de KKD à faire des merveiles avec pas grand chose et à broder des images magnifiques à partir d'un matériau saturé de laideur. C'est lorsqu'il poursuit dans cette voie du masochisme et de l'autodestruction que Kim Ki-duk est le meilleur. Juste une question de dosage à régler, et tout sera parfait.

20 septembre 2005

LE SOURIRE DE MONA LISA

Dans une école de culs pincés, un professeur qui sort de l'ordinaire va montrer à ses élèves, par le biais de l'art, qu'il est possible d'envisager la vie autrement. Ça vous dit quelque chose? Bah oui, c'est le pitch du Cercle des poètes disparus. Mais, au féminin, c'est également celui du Sourire de Mona Lisa. Si l'un a pour avantage certain d'être interprété par Julia Roberts (ainsi, dans le genre pas dégueu du tout, que par Kirsten Dunst, Maggie Gyllenhaal et Julia Stiles), l'autre avait au moins le privilège de l'originalité. Il est toujours gênant qu'un film qui dénonce l'académisme de certains modes de pensée soit aussi académique lui-même. Mais quand tout est bien fichu, pas trop mal écrit, et assez bien joué (mention spéciale à la soeur Gyllenhaal, aussi bonne que son frangin), on peut regarder ça sans déplaisir. D'autant que le message, s'il a tendance à devenir un brin rengaine, est toujours bon à prendre : la femme a le droit d'avoir un avenir autre que celui de torcher les gosses et de faire la popote pour son gentil mari, mais elle n'y est pas obligée non plus.

18 septembre 2005

ÉROS THÉRAPIE

Aidé par son nouveau pote, un type qui a été plaqué par sa femme pour une autre femme fait appel à l'agence Éros, qui scénarise des humiliations et des perversions en tous genres (sans aller jusqu'à des pratiques sexuelles, cependant). Voilà. Sur ce point de départ loufoque, Danièle Dubroux signe un film encore plus foufou que ce qu'on pourrait imaginer. Ça parle à tort et à travers, ça quiproquote par-ci par-là, ça cabotine sérieusement... Le genre de film qui requiert une bonne nuit de 65 heures de sommeil pour s'en remettre. C'est à la fois fatigant, exaspérant, ennuyeux et vain, la seule partie rigolote concernant un passage bien senti sur les critiques de cinéma et David Cronenberg. À part ça, rien.

17 septembre 2005

LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS

Aaaaaah... Hormis les grands (et vieux) classiques, je ne suis pas très comédie musicale. Sans doute parce que je suis un garçon un peu guindé, et que le parapluie que j'ai parfois dans le cul m'empêche d'apprécier comme il faut ces gens qui cessent tout à coup de parler pour se mettre à chanter à tue-tête.
Alors qu'est-ce qui fait qu'ici, ça marche? La réponse est : j'en sais absolument rien. Les chansons jubilatoires, Rick Moranis, la plante carnivore la plus drôle du monde, Steeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeve Marrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrtin, le fait que j'ignorais totalement que La petite boutique des horreurs était un musical (oui, honte à moi)... Tout cela doit y être un peu pour quelque chose. Toujours est-il que c'est un moment délicieux à passer, et que maintenant j'ai envie de voir la version de Roger Corman pour comparer.

Alain Souchon - "La vie Théodore"

Sur la pochette de son nouvel album, Souchon semble angoissé. Rien d'inhabituel si l'on se réfère aux précédentes. Cependant, la différence, c'est que La vie Théodore donne l'impression que Souchon s'est amusé comme un fou à faire cet album, loin de l'ennui latent d'un Au ras des pâquerettes en demi-teinte. Des chansons comme "En collant l'oreille sur l'appareil" ou "J'aimais mieux quand c'était toi" signent un retour à des mélodies entrainantes et différentes, loin de le routine du précédent album. Même lorsqu'il fait dans le spleen malaisé, il tente autre chose, et livre des compositions originales, entre Chamfort et Gainsbourg ("Lisa", "L'île du dédain"), qui font sacrément vibrer l'oreille. Et le décalage de "Putain ça penche", que le CSA devrait à coup sûr empêcher de passer sur les ondes, est un régal.
On pensait Souchon en bout de course, usé jusqu'à la moëlle et vidé de toute inspiration. On s'est trompé. La vie Théodore est un retour magnifique, qui devrait donner des concerts d'une intensité folle.

11 septembre 2005

AMADEUS

Contrairement à ce que laisse imaginer le titre, Amadeus n'est pas une biographie de Wolfgang Amadeus Mozart : de nombreux pans de sa vie sont occultés et quelques passages ont été romancés. Non, le point d'orgue du film est la description de la relation perverse et hypocrite qui lie Mozart à Salieri, compositeur attitré de la cour à partir de 1774. Salieri est finalement le personnage principal (et pour cause, le plus fascinant) du film, interprété avec un brio sans nom par F. Murray Abraham. Manipulateur, arriviste, prêt à tout, c'est aussi un personnage très humain et bourré de faiblesses. À côté de lui, le naïf Mozart apparaît comme bien un jeune homme bien pâlichon et une sacrée tête-à-claques. Un déséquilibre pervers qui pousse parfois à préférer le méchant Salieri au "gentil" WAM. En deux heures et demie, Forman dépeint avec son génie habituel la relation ambiguë qui les lie. C'est du très beau cinéma. Du grand art. Du grand grand art.

10 septembre 2005

BRAINDEAD

Un conseil pour les personnes qui auraient l'intention de voir ce film : ne mangez rien dans les quatre heures qui précèdent, vous risqueriez de tout régurgiter. Jaillissements gerbants de pus et autres secrétions, yeux enfoncés, mutilations en tous genres... On a du mal à imaginer que quatre ans après ce Braindead, Peter Jackson allait réaliser un film classieux et émouvant comme Créatures célestes. L'histoire : un fifils à sa maman décide de tout faire pour la garder à ses côtés bien qu'elle soit en fort état de décomposition zombiesque après avoir été mordue par un drôle de rat. Tout ceci est prétexte à des scènes d'une dégueulasserie rare (je ne mangerai plus jamais de crème anglaise), à la drôlerie variable mais souvent efficace. Ça traine un peu en longueur sur la fin, mais on apprend à se servir d'une tondeuse à gazon. Si on était encore loin, dix ans avant, de la maîtrise du Seigneur des anneaux, Peter Jackson montrait déjà de sérieux signes de talent (et avec un budget avoisinant le zéro, qui plus est).

09 septembre 2005

ROGER ET MOI

Avant de se prendre pour le centre du monde, Michael Moore s'intéressait davantage aux causes perdues qu'à lui-même. Preuve en est avec Roger et moi, où on le voit s'escrimer à essayer de faire venir Roger Smith, PDG de General Motors, à venir à Flint, Michigan pour rencontrer quelques-uns des 30000 personnes qu'il a licenciées. On suit donc le parcours du combattant de Moore, entrecroisé avec les récits des habitants de Flint et des pontes de General Motors qui se contrefoutent que tous ces prolétaires soient dans la mouise jusqu'au cou. C'est à la fois drôle et pathétique, et ce n'est pas franchement optimiste. Le manichéisme de Moore n'était pas alors trop appuyé, et on peut suivre Roger et moi sans avoir l'impression de subir une opération de propagande. Ça fait du bien et ça rassure. Il n'y a bien que ça.

CAUSE TOUJOURS!

Un jour, Jeanne Labrune en a eu ras le bonbon de n'avoir que des enfants sinistres (dont l'impressionnant Si je t'aime... prends garde à toi). Alors elle décida qu'il n'était pas trop tard pour changer ça, et accoucha de triplées (ses "fantaisies", comme elle les appelait). Le jour de l'accouchement, sortit d'abord Ça ira mieux demain, une insupportable petite pipelette ; puis C'est le bouquet!, délicieuse enfant à la langue bien pendue mais vraiment très amusante ; et enfin, Cause toujours!, une gentille fille qui adore parler pour ne rien dire. Et donc on se retrouve pour la troisième fois avec une question-existentielle-de-base supposée nous emmener vers des sommets d'humour et d'esprit (après "faut-il emballer les meubles avec du film plastique" et "qui c'est qui m'a offert ce bouquet, crénom de crénom", voici "dois-je tuer les insectes qui envahissent ma cuisine, et c'est qui ce type muet"). Ici, donc, ça tombe un peu à plat, parce que les situations ne sont pas assez haut perchées pour être savoureuses. Et le film tourne vite en rond, avec son épuisant running gag ("- je vais parler avec lui" "- ça va être dur, il est muet") et ses interprètes un peu énervantes (Claude Perron + Victoria Abril = cacophonie).
Quand on a des gosses, c'est pas bien d'en préférer un aux autres. Il n'empêche, C'est le bouquet, c'est la môme la plus fréquentable des trois.

08 septembre 2005

QUI PERD GAGNE!

Bénégui délaisse la comédie bancale pour un policier original où il s'agit de savoir si le type qui a gagné au Loto deux fois de suite a triché ou pas. C'est plutôt bien construit et le dénouement, bien que forcément un peu invraisemblable, est quand même assez satisfaisant. Finalement, le gros défaut du film, c'est d'être un peu trop... français. Les décors de la brigade des jeux et ceux des casinos font trop franchouillards pour être crédibles. Je n'ai rien contre Thierry Lhermitte mais il ne fait pas le poids. On imagine très bien ce que le John Dahl des Joueurs aurait pu faire de ce film : un machin racé, captivant et franchement classe. À la place, on a un truc-qui-veut-faire-américain mais qui ne pisse pas assez loin pour ça.

JUST A KISS

Ken Loach est un grand cinéaste. Quand il évite d'être trop explicatif et moraliste, quand il se fait plus cinéaste que professeur, ses films sont généralement brillants et passionnants. Just a kiss n'échappe pas à la règle : un petit bijou de plus dans la très belle filmo du grand Ken. À la base, une histoire simple, où Shakespeare rencontre Coup de foudre à Bollywood : en Écosse, un DJ pakistanais et musulman et une professeur catholique tombent amoureux. Choc des cultures d'autant plus important que lui doit se marier dans deux mois, contraint et forcé par ses parents. Ni tragédie à la grecque, ni film social, Just a kiss navigue superbement entre les genres et règle son compte à l'incommensurable bêtise de certains préceptes et responsables religieux. Un tir à vue d'autant plus appréciavle qu'il n'est pas asséné brutalement (thèse, antithèse, synthèse) mais inséré par petites touches dans le quotidien des deux amants. On pourra tout juste regretter le côté trop schématique de la situation : dans chacun des deux clans, le catholique et le musulman, toutes les personnes sont des idiots monolithiques, sauf une (une petite soeur d'un côté, un directeur d'école catho de l'autre). Détail qui passe comme une lettre à la poste dans un film d'une subtilité déconcertante et émouvante.

07 septembre 2005

ENVY

"Mais, pourquoi diable, m'exclamais-je il y a deux ans au cours d'un dîner mondain, pourquoi diable un film avec Ben Stiller ET Jack Black pourrait-il sortir directement en vidéo? Mais c'est un scandale! Je reprendrais bien un peu de schnaps, moi." J'obtins quelques temps plus tard un fragment de réponse, me venant d'une personne d'un goût sensiblement proche du mien et collectionnant les villes en Cha-. "Vois-tu, me dit-elle, le problème avec Envy, c'est que ce n'est absolument pas drôle."
Ah oui. Merde. C'est vrai que pour une comédie, c'est embêtant. Difficile d'analyser plus profondément cette grosse foirade : un réalisateur pas toujours génial mais avec de la bouteille, deux acteurs grandioses et irréprochables, un scénario bas de plafond mais pourquoipasesque... L'ennui, c'est que le scénariste débutant a complètement oublié d'insérer des gags dans le film! D'où un ennui latent qui se fait ressentir dès les premières scènes du film. Dès lors, comédiens géniaux ou pas, quand il n'y a rien à jouer, il n'y a rien à jouer. Et ce n'est pas la piteuse prestation de Christopher Walken (qui commençait sans doute à récolter des fonds pour sa campagne électorale) qui remonte le niveau.

PERDITA DURANGO

Je ne vais pas refaire ma bafouille habituelle sur de la Iglesia (cinéaste sympathique... un peu fêlé... qui finit mal ses films... bla... bli... blu...). En tout cas, Perdita Durango est à la fois totalement imprégné de l'esprit iglesiesque, et extrêmement différent du reste de sa production. Et pour cause : adapté du roman éponyme de Barry Gifford, qui constitue la suite d'un certain Sailor & Lula, le film raconte ce qui est arrivé à Perdita (Rosie Perez remplace la Isabella Rosselini du film de Lynch) après qu'elle ait perdu son amant Bobby Perou. On navigue donc entre l'univers de de la Iglesia, déjanté, sentant la sueur et le mauvais goût, et celui de Gifford, glauque avec des relents de foutre. Un cocktail détonnant qui passe miraculeusement bien, le côté excessif de l'espagnol étant rattrapé à merveille par le caractère plus posé de l'américain. Dans les rôles principaux, Rosie Perez et Javier Bardem s'éclatent comme des bêtes. Et nous avec. En s'octroyant trois coscénaristes, de la Iglesia montre qu'il peut être très bon jusqu'à la fin. Expérience à renouveler.

06 septembre 2005

L'ÉTAT DES CHOSES

Une équipe de cinéma tourne un film de science-fiction en noir et blanc. Par manque de pellicule, le tournage est arrêté. Pendant que l'équipe s'occupe comme elle peut, le réalisateur fait des pieds et des mains pour obtenir de la pelloche... À cette époque, Wenders était au meilleur de sa forme, et s'est permis, alors que le tournage d'Hammett connaissait quelques problèmes, d'écrire ce film au jour le jour. Résultat : un objet qui semble ultra-maitrisé, avec bon nombre de plans qui touchent au génie. Si esthétiquement c'est parfait, le fond n'est pas dégueulasse non plus : Wenders offre une réflexion passionnante et ardue sur le cinéma, le temps qui passe, l'intégrité morale. À sa tête, l'excellent Patrick Bauchau (qui s'est malheureusement fourvoyé depuis). Wenders n'évite pas quelques longueurs çà et là, mais livre un film magnifique, intransigeant et inquiétant (une dernière scène de génie). On souhaite qu'il revienne à ce niveau un de ces jours.

PAYCHECK

On l'avait annoncé comme le pire des films de Woo (de who? de Woo, pardi). Alors évidemment, Paycheck ne renoue en rien avec la haute qualité de sa période asiatique. Mais se trouve bien plus haut sur l'échelle que Broken arrow ou Windtalkers. Sur un scénar inspiré de Philip K. Dick (et on pense en effet à Total Recall pour l'intrigue générale), Woo propose un film ludique et classieux, qui permet à Ben Affleck de briller sans pour autant nous bassiner avec d'interminables scènes de gunfights. Les fans regretteront que Woo n'aie pas injecté plus de son style personnel dans ce film de commande (à part une colombe et un face-à-flingue, difficile de reconnaître sa patte), les autres seront ravis de voir ce gros machin rapide et sans prétention, qui pose des questions superficielles mais intéressantes sur le futur et les conséquences des voyages dans le temps.On regrettera surtout une fin bâclée et dont la réalisation moche contraste avec l'élégance de la mise en scène du début. Là, vraiment, on se dit que Woo tangue. (Woo tangue, hein. Jeu de mots)

05 septembre 2005

ROLLERBALL

Précision inutile : celui-là (1975) vaut dix mille fois plus que son remake de 2002 (en même temps, en bon matheux, je constate que 10000 x 0 = 0). Rollerball, c'est d'abord un film d'anticipation : le rollerball en question est un sport futuriste qui mêle basket, combat de rue, rollers et mobylette. Un gros machin hypermédiatisé et ultraviolent, où tous les coups sont permis, aussi bien en ce qui concerne les protagonistes que les organisateurs. Mais, dans un monde où tous les problèmes d'ordre matériel ont été résolus, Rollerball pose également des questions sur la manière d'envisager l'avenir : est-il néfaste ou non de préférer le collectif au détriment de l'individu? Par le biais de ce sport très allégorique, Norman Jewison répond plutôt bien à la question, malgré d'évidents gros sabots. Le plus jouissif là-dedans, c'est tout de même de voir ces sportifs se foutre allègrement sur la gueule sans craindre la moindre sanction. Il serait bon que les instances footballistiques modifient leurs règles afin de permettre à Zidane et consorts de pouvoir se tacler et se mettre des pains en toute impunité : cela relancerait ainsi l'intérêt d'un sport souvent lénifiant, et les effectifs de footeux se réduiraient à vue d'oeil (en contrepartie d'un remplissage certain des cimetières).

LA BANDE DU DRUGSTORE

Au début, on pense simplement se trouver face à une bonne vieille chronique de l'adolescence façon sixties, avec chaussettes écossaises, Weston bien cirées et surboums pendant que papa est à Deauville. Puis, d'un sympathique À nous les petites anglaises, Armanet glisse imperceptiblement à un constat plus amer que nostalgique, façon Ice Storm, sur la perte des illusions et la découverte du sexe. On perd le sourir et le malaise s'installe. À la tête d'un bon quatuor de comédiens (Alice Taglioni, Cécile Cassel, Aurélien Wiik), Mathieu Simonet confirme qu'en choisissant mieux ses films, il a tout pour devenir un très grand.