31 mars 2006

L.A. CONFIDENTIAL

James Ellroy n'a jamais caché sa haine tenace et bornée à l'encontre du septième art. Les quelques cheveux qui lui restent ont dû tomber lorsqu'il a appris que l'un de ses grands romans, L.A. Confidential, allait être adapté par Curtis Hanson, auteur jusqu'ici de petits thrillers sans grande ambition. Mais, divine surprise, L.A. Confidential sonne la naissance du nouveau Hanson, celui qui va désormais imposer son style et son éclectisme dans la suite de sa filmograpie. Scénario impeccable, qui rend grâce au matériau d'usage sans le dénaturer (pas évident au vu de la densité des bouquins d'Ellroy), casting visionnaire qui a notamment révélé Guy Pearce et Russell Crowe au grand public, mise en scène feutrée et agressive lorsque c'est nécessaire... Le travail de Henson s'apparente à un sans-faute. L.A. Confidential est un polar haletant et rythmé qui énonce quelques vérités irréfutables sur le métier de flic. Bref, du pur Ellroy. Celui-ci a davantage de soucis à se faire face à l'adaptation du Dahlia noir par Brian de Palma, à venir dans quelques mois...
8/10

30 mars 2006

LE PLUS BEAU DES COMBATS

Avec son titre à tendance larmoyante, son producteur pataud (un certain monsieur Bruckheimer) et son sujet lourd de sens, Le plus beau des combats annonce la couleur : on n'est pas là pour faire dans la nuance. C'est l'histoire d'une équipe universitaire de foot américain (non, ne partez pas) qui fut la première à mélanger blancs et noirs, aussi bien chez les joueurs que dans le staff technique. Il faut aimer (ou au moins tolérer) le football US, les bons sentiments (ennemis au départ, blancs et noirs vont évidemment finir bras dessus bras dessous ; et il y a aussi un obèse et un gay pour compléter le tableau de comme-c'est-beau-la-tolérance). Mais à part ces quelques grosses réserves, Le plus beau des combats fonctionne plutôt bien. Denzel Washington est parfait dans ce genre de rôle un peu lisse. Le traitement de Boaz Yakin est plutôt sobre par rapport au potentiel de putasserie émis par le sujet. Niveau film de sport viril mais correct, on a fait bien pire. On a certes fait bien mieux, aussi.
6/10

29 mars 2006

L'INTRUS

Un gamin un peu paumé découvre que son nouveau beau-père est un assassin. Au début personne ne le croit, mais comme son papa c'est John Travolta, il finit par comprendre qu'il dit vrai et alors y a de la bagarre. Après le gentil gagne et c'est fini. Vous n'avez donc absolument pas besoin de regarder L'intrus, le nouveau déchet du vraiment très nul Harold Becker, qu'on ne peut même pas qualifier de tâcheron sous peine de vexer les tâcherons. Platement écrit, platement filmé, platement joué (Vince Vaughn est vraiment meilleur dans la comédie), le film n'a absolument aucun intérêt. Cousu avec de la grosse corde blanche (y avait plus de fil), c'est à peine si je le conseillerais aux gros boeufs qui louent du Steven Seagal le samedi soir pour avoir leur dose hebdomadaire de testostérone. Beuarrrgl.
1/10

27 mars 2006

MOI, PETER SELLERS

Acteur génial et singulier, que beaucoup prennent pour modèle sans jamais parvenir à faire aussi bien, Peter Sellers se voit consacrer un film qui tente d'être aussi haut en couleurs que lui. Effets visuels barrés, décalages narratifs... Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, impossible de contester les efforts effectués pour sortir Moi, Peter Sellers du carcan du biopic rigide. De ce fait, le film n'est pas tant une biographie filmée qu'une succession de vignettes colorées plus ou moins réussies qui retracent les grands rôles de ce génial acteur de composition, ainsi que les grandes lignes de sa tumultueuse vie privée. Mais la grande attraction du film, c'est l'interprétation de Geoffrey Rush, qui rend à son héros l'hommage qu'il mérite. Ressemblance physique troublante (et cela sans forcer sur le maquillage ou les prothèses), jeu tout en fragilité, sans cesse sur le fil du rasoir... la prestation de Rush illumine un film très sympathique à regarder mais qui peine à dépasser le stade de l'anecdote. Pas étonnant lorsque l'on apprend les origines de Moi, Peter Sellers : il s'agit à la base d'un simple téléfilm, jugé si réussi qu'il a finalement été distribué en salles. D'où ce criant manque d'ambition, qu'on jugera avec indulgence. Mais rien que pour son acteur principal, le film vaut le coup d'être vu.
6/10

24 mars 2006

LAST DAYS

Il y a des films qui ne s'expliquent pas, des films qui s'imposent comme des évidences, comme s'ils avaient toujours existé. Achevant sa trilogie de la quatrième dimension (hors du temps, hors de l'espace, hors normes), Gus Van Sant réussit non seulement l'exploit de ne pas se répéter, mais de transcender le style aérien et indescriptible qu'il a créé. On oublierait presque que Last days s'inspire des derniers jours de la vie de Kurt Cobain tant le film semble se moquer de la signification même de la réalité. Le héros s'appelle Blake, il n'est pas du genre causant, et préfère aux longs discours les baignades sauvages et les errances en tous genres. Son côté hypnotique et complètement paumé, magnifié par la prestation d'un Michael Pitt plus vrai que nature, rend le film encore plus mystérieux, car quasi muet. Refusant de donner un sens à ses plans, Gus Van Sant laisse le spectateur se faire sa propre idée, ses propres symboles, ses trips à lui. En tout cas, il faudrait être aveugle ou complètement stupide pour passer à côté de la beauté formelle de Last days et de la magie qui s'opère. Le film ne raconte pas grand chose et s'affranchit ainsi de toute contrainte narrative. Alors, sans doute pour mieux signifier la solitude et les absences de son personnage, Van Sant joue avec la chronologie des évènements, quitte à nous repasser deux fois le même bout de plan. Considérant, à l'image de son héros, qu'une bonne chanson peut dire beaucoup plus que bien des bavardages, il offre un enchainement de scènes musicales, dont deux magnifiques où Blake joue et chante pour laisser le spectateur bouche bée (pour la petite histoire, c'est Michael Pitt qui joue ses propres morceaux, et live s'il vous plaît). On est évidemment à l'opposé complet du biopic ; à peine quelques allusions sont faites concernant la vie du chanteur (une petite fille quelque part, un détective qui rode), et on évite toute description cliché et accablante du terrible monde du rock (ainsi, fait remarquable, aucun joint ni substance illicite ne circule pendant le film). Procédant par petites touches, chaque acteur entourant Pitt (d'Asia Argento à Harmony Korine) n'apparaissant qu'à doses homéopathiques, Van Sant livre un film plein, dont les longueurs font la force, et qui parvient à capter la vraie essence de la vie. Mais tous ces mots sont de trop. Mille paires d'yeux devant Last days, c'est mille réactions différentes, mille opinions divergentes. À vous de vous faire la vôtre.
10/10

RUSHMORE

Max Fischer a 15 ans et en paraît dix fois plus. À Rushmore, il fait partie de tous les clubs, tous les collectifs, toutes les associations étudiantes, mais néglige sacrément sa scolarité. Entre son amitié avec un type nommé Herman Blume et son amour pour une jeune professeur du nom de Rosemary Cross, Max va devoir garder les idées claires. Et ce résumé ressemble à celui d'un teen movie réalisé par Raja Gosnell. Sauf que le film est coécrit par un tandem de choc, Wes Anderson & Owen Wilson, réalisé par le premier, joué par Bill Murray... N'en jetez plus! Après Bottle rocket, séduisant galop d'essai de la compagnie Anderson & Wilson, Rushmore signe l'éclatement total d'un talent singulier et complètement démentiel. À la tête du film, le petit Jason Schwartzmann, jeune avec une tête de vieux, qui démontrera par la suite qu'il s'agissait là d'une vraie performance d'acteur (puisqu'il s'est illustré depuis dans des films comme J'♥ Huckabees dans des rôles bien différents), colle parfaitement à l'univers d'Anderson, qui mêle Irving et Enid Blyton, maturité et folie, spleen et petits moments de joie, retranscrivant exactement les sensations de l'adolescence. Sans temps mort, avec un sens inné de l'ellipse (grâce à de scènes musicales d'une justesse troublante), Anderson fait de son mini-héros une sorte de pygmalion nouvelle génération, l'Adolescent par excellence, un personnage culte auquel repenser en cas de coup dur. À l'image de chaque film de Wes Anderson, monument de dépression souriante, un allié pour la vie.
9/10

LE MONDE SELON GARP

Grand écrivain, auteur d’une quinzaine de romans aussi foisonnants que géniaux, John Irving a été assez peu adapté au cinéma. Et pour cause : dans les romans d’Irving, il n’y a pour ainsi dire rien de trop. Les évènements s’enchaînent à vitesse grand V, les scènes fantaisistes affluent, il y a un grand nombre de personnages et d’anecdotes. Et cette densité fait peur, car si trancher dans le vif équivaut au pire des sacrilèges pour un fan d’Irving, ne rien couper entraînerait la fabrication d’un film d’environ cinq heures quarante. A priori (je dis a priori car je ne l’ai pas vu), L’hôtel New Hampshire de Tony Richardson était un gros plantage du fait de son refus que couper quoi que ce soit, alors que par exemple, en n’adaptant carrément qu’une partie d’Une veuve de papier, Tod Williams a beaucoup mieux réussi son pari dans Lignes de vie. Et George Roy Hill, dans tout ça ? Eh bien, à l’aide d’un scénariste malin, il a choisi de limiter Le monde selon Garp à une durée de deux heures. Frustration des fans, perplexité des autres (certains rebondissement semblent très improbables alors qu’ils sont parfaitement expliqués dans le livre)… mais réussite quand même. Le roman était l’un des meilleurs de son auteur, tendre et cruel à la fois, et le film lui rend justice. Mené par un Robin Williams juste assez sobre (c’est suffisamment rare pour être précisé), Le monde selon Garp est la description drolatique puis tragique de la vie d’un type pas comme les autres. Jeune, il aime une fille mais en baise une autre. Il est écrivain mais c’est l’autobiographie de son infirmière de mère qui fait un carton. Il a envie de tromper sa femme mais c’est finalement lui qui est cocufié. Il fait la course aux automobilistes dangereux mais sera à l’origine d’un accident tragique. Et Hill de coller au plus près de ses personnages, fidèle au style d’Irving. Déconcerté ou un peu frustré selon qu’on connaisse ou non l’univers de son auteur, on appréciera cependant la fraîcheur et la liberté de ton du Monde selon Garp.
7/10

23 mars 2006

FIVE OBSTRUCTIONS

Lars Von Trier meets Jørgen Leth, vieux réalisateur d’un court métrage qui l’a marqué, The perfect human. Et, preuve que LVT est vraiment un sale pervers, lui propose une série de défis tordus. Objectif : tourner cinq remakes de son propre film en respectant les contraintes imposées par Lars. Tourner à Cuba avec des plans de moins de douze images, faire un dessin animé, tourner dans le lieu le plus misérable du monde… Véritable tortionnaire, Von Trier est inflexible et peut contraindre Leth à recommencer s’il estime qu’il n’a pas respecté les règles (et ça se produit dans le film). Et comme Leth ne semble pas être un manchot, il livre des courts métrages d’une grande beauté formelle (mais on ne pourra pas juger au-delà de la beauté plastique, puisque les films ne sont malheureusement pas montrés dans leur intégralité). Vraiment amusant, extrêmement ludique, 5 obstructions est non seulement un excellent jeu sur le cinéma, mais peut aussi être vu comme une réflexion plus profonde sur l’utilité et le sens du cinématographe. Mais quel pervers, ce Lars.
7/10

BARRY LYNDON

Dix-huitième siècle : un jeune type nommé Redmond Barry décide de tout faire pour échapper à la guerre et à la pauvreté. Quitte à tricher, trahir, tromper, Barry tente de déserter, de s’enrichir, puis d’être anobli. A tout prix. Et Stanley Kubrick, s’inspirant d’un classique de William Makepeace Thackeray, de réaliser un bijou précieux, parlant peu mais disant beaucoup sur la condition de l’homme et l’arrivisme. Sous sa vitrine de film en costumes, Barry Lyndon possède aujourd’hui encore un contenu très actuel, avec des réflexions sur l’arrivisme et les liens du sang vraiment passionnantes. Trois heures captivantes, avec très peu de plans, mais des plans d’une beauté vénéneuse, comme des tableaux de maître, entre classicisme et naturalisme. On connaît tous l’histoire de l’éclairage du film : pas de projecteurs, rien que la lumière des bougies, le tout filmé à l’aide de lentilles Carl Zeiss. Le côté perfectionniste et salement tatillon de Kubrick a fait gloser pendant des années, mais il n’empêche que le résultat est là. Kubrick saisit l’essence même de chaque décor, de chaque costume. C’est à la fois un film, une exposition de peinture et de photographie, et un vrai spectacle, avec des scènes à couper le souffle. Deux scènes de duel au pistolet notamment, d’autant plus efficaces que Kubrick ne joue pas la pleine carte du suspense. Film de vampires sans vampires, Barry Lyndon est l’une des plus belles réussites d’un réalisateur de très haute volée.
9/10

21 mars 2006

L'ATTAQUE DE LA MOUSSAKA GÉANTE

Précédé par une réputation culte, L'attaque de la moussaka géante provoque une déception à hauteur de l'attente provoquée. Car sous ses aspects éminemment parodiques, sous cette couverture Z empruntant à Roger Corman & Russ Meyer, derrière ces E.T. à grosses poitrines et cette moussaka volontairement moche et mal faite, il n'y a rien. Rien que l'ennui du spectateur, qui aurait voulu rire aux éclats mais se résigne vite devant un film insipide et franchement pas drôle. Sur le papier, le délire devait être hénaurme. Sur l'écran, ça ne passe pas. Dommage : pour une fois qu'un film grec avait la possibilité d'être moins chiant qu'un Angelopoulos...
2/10

20 mars 2006

L'AMOUR AVEC DES GANTS

Maurizio est bruiteur de dessins animés, il a un grand coeur, une longue moustache et une personnalité singulière. Le jour où il rencontre Martina, qui exerce la charmante profession d'illustratrice de fantasmes (alors qu'elle est quand même très moche), deux évènements se produisent : il tombe amoureux ET ses mains sont remplacées par des gants de personnage de dessin animé, avec leur indépendance, leur fantaisie et tout et tout. Ou plutôt : et rien et rien. Car passée la joie éphémère de croire à un retour de l'esprit Roger Rabbit, on s'aperçoit que Maurizio Nichetti n'est qu'un fantaisiste miteux, un ringard de la pire espèce, celle des ventriloques de fin de banquet et des animateurs de supermarché. L'ennui gagne face à ce spectacle navrant et même pas poétique. Mieux vaut ne pas s'attarder là-dessus.
2/10

17 mars 2006

LA VIE DE MICHEL MULLER EST PLUS BELLE QUE LA VÔTRE

Ça fait un bail qu’on était prévenus : Michel Muller, fallait pas l’inviter. "Comique" assez sinistre, que l’absence de talent a contraint de faire dans la provoc grasse et facile, puis comédien tout miteux dans des productions Besson et des films avec Smaïn, Muller a décidé de se tailler la part du lion en réalisant son propre film. Pas d’idée de scénario? Qu’à cela ne tienne : rien de plus simple que de bricoler un docu-fiction sur sa propre vie. On suit donc Muller en train de coécrire un scénario (l’histoire de trois mecs qui arrêtent de se branler, ha ha, c’est pur rire). Mais le pétage de plombs n’est pas loin. Sauf que le spectateur s’est barré depuis longtemps. Voulant jouer la carte du malaise à tout prix, le film ne provoque que l’indifférence et l’ennui. Pire, les quelques vérités balancées par Muller à propos du cinéma étaient déjà présentes dans Les clefs de bagnole de Laurent Baffie. Que Muller se soit plaint depuis du sabordage de la distribution de son film n’est pas étonnant : il se voyait déjà tout en haut de l’affiche dans 600 multiplexes, adulé par tous. Mais qui comptait-il toucher avec ce ramassis de foutaises même pas drôles?
1/10

16 mars 2006

KIKA

On connaît le style Almodovar : du sexe, des personnages hauts en couleurs, du chorizo. Si depuis quelques films, Pedro s'est fait plus tendre, il n'a jamais fait dans la dentelle. Reconnu par la plupart comme son moins bon film, Kika ne diffère pourtant que très peu des autres films d'Almodovar. Sur une intrigue échevelée et pas très racontable faite de voyeurisme, de culpabilité et de création, il tisse une toile complètement délirante et excessive, à l'image du personnage de Victoria Abril, présentatrice gerbante d'un show de télé-réalité plus racoleur tu meurs, et absolument pas crédible. Autant le dire clairement : le cinéma d'Almodovar ne m'inspire qu'un intérêt très minime, sauf quand il range ses excès pour faire dans le mélo (c'est-à-dire dans Tout sur ma mère et Parle avec elle). Alors que Kika aille trop loin dans la débauche et le grand guignol, je m'en tape un peu les boules. Cette surenchère dans le n'importe quoi rendrait presque le film plus intéressant que bien d'autres. Mais on s'en fout un peu.
4/10

14 mars 2006

VERY BAD THINGS

A priori, c'est le genre de film dont on devrait se délecter : jeu de massacre avec un brin de cul et beaucoup d'humour noir. Mais si des a priori suffisaient à faire un film, ma grand-mère serait championne du monde de jokari. Pour ses débuts filmiques, le jeune Peter Berg n'a pas su se dépatouiller d'un genre jubilatoire mais difficile à traiter. Ainsi, il semble qu'après trois quarts d'heure de film, il ne sache plus quoi dire. Ce qui est bien dommage, puisque le début, sans être renversant, était prometteur. Mais il arrive un moment où un monticule de réactions improbables et d'invraisemblances finit par nous boucher la vue. Finalement, on sent chez Berg une envie de choquer à tout prix, qui prend le pas sur son intention de raconter une bonne histoire. Comme c'est très mal filmé (couleurs ternes et cadrages vaseux), Very bad things devient un téléfilm poussif ruinant les espoirs des spectateurs avides de sang et de drôlerie macabre.
3/10

13 mars 2006

MON BOSS, SA FILLE ET MOI

Il fut un temps où David Zucker était un réalisateur culte, de pilotes dans l’avion en flics qui sauvent la reine. Seulement voilà : depuis que ceux qu’on aime à appeler les ZAZ sont devenus Z, A et Z, on a compris que trois divisé par trois égal zéro. Voir un type aussi drôle commettre un navet comme Mon boss, sa fille et moi est franchement navrant. Rien à sauver : ni Ashton « endive » Kutcher, ni Terrence « mais qu’est-ce que je fous là » Stamp, ni le moindre gag ou la moindre situation. Tout juste cette petite bonnasse de Tara Reid. Fidèle au vieil adage qui veut qu’une comédie pas drôle est la chose la plus sinistre au monde, Mon boss, sa fille et moi filera le bourdon à quiconque aura la bêtise de le regarder.
0/10

12 mars 2006

CHOK DEE

Rayane (ou Ryan, selon les sous-titres et les affiches) finit en prison après un petit délit. Là, au contact d’un homme blessé par le passé, il va se découvrir une véritable passion pour la boxe thaï. Une fois libéré, il décide de partir sur les terres natales de sa discipline favorite, pour devenir un grand champion, l’un des premiers étrangers à triompher en terre thaïlandaise… Sujet étonnant de la part de Xavier Durringer, auteur d’un J’irai au paradis car l’enfer est ici très noir et maîtrisé. Car quels sont les atouts de Chok dee (ça veut dire « bonne chance » en thaï) face à ses nombreux prédecesseurs, de Poids léger en Fureur (le film de boxe est très à la mode ces derniers temps) ? Réponse : pas grand-chose. L’idée d’engager un vrai boxeur pour jouer un boxeur semblait bonne : pour rendre un univers crédible, rien de tel qu’un vrai spécialiste. Seulement voilà : l’homme en question, qui se fait appeler Dida, est certainement une référence en matière de boxe thaï, mais il a autant de qualités d’acteurs qu’une vieille chaussette sale. Très laborieux à suivre (on sent qu’il a du mal à articuler son texte correctement), il ruine ainsi les envies de Durringer, qui aspirait certainement à réaliser un film qui fasse date et qui soit considéré comme une référence en France. Mais très honnêtement, même avec un bon acteur, Chok dee n’aurait pas eu l’impact escompté. Scénario balisé, sentiments téléphonés, sous-intrigues vaseuses, le film se noie dans une imagerie de téléfilm indigne de son réalisateur.
2/10

11 mars 2006

J'♥ HUCKABEES

La sortie de J'♥ Huckabees a été accompagnée d'innombrables réactions scandalisées : comment peut-on obtenir un tel budget et un casting aussi touffu (Jude L., Dustin H., Mark W., Naomi W., Isabelle H., Jason S., rien de moins) avec un scénario aussi merdique? Comment le réal des Rois du désert a-t-il pu tomber dans une telle crevasse de frime et de pseudo-philosophie de bazar? Calmons-nous donc, messieurs dames. Car J'♥ Huckabees est un OVNI, un vrai, mais c'est en plus un film très plaisant. Le symbole du pétage de plombs en règle d'un jeune réalisateur à qui Hollywood ouvre les bras mais refusant de plonger dans le moule à gaufres du système. David O. Russell s'est inventé plusieurs clones, des citadins en costard à la voie toute tracée mais désireux de faire autre chose, autrement. Alors, à grands coups de monologues déphasés et d'effets visuels déroutants, Russell crée un objet jamais vu ailleurs, qui ne raconte pas grand chose, part dans tous les sens et risque de faire décrocher à tout moment les rares spectateurs qui ont tenu jusque là. Mais pour peu qu'on s'en donne la peine, J'♥ Huckabees est un vrai bon film, de plus en plus appréciable à mesure qu'on en assimile les règles (ou l'absence de règles), et qui procure un sentiment de déprime réjouie. Vous n'aimez pas? Vous n'êtes pas les seuls. Vous aimez? C'est que vous avez tout compris.
8/10

10 mars 2006

BOTTLE ROCKET

Deux potes tracent la route en vivant de petits braquages. Ou plutôt non. Deux types un peu paumés cherchent leur place. Ou plutôt non. Et puis merde. Il est à peu près inutile de résumer un film de Wes Anderson, pour la bonne raison que l'intrigue n'est qu'une infime partie de la réussite de ses films. Esthétiquement, c'est très singulier. Si Bottle rocket fait office de galop d'essai pour Anderson, on retrouve déjà sa fascination pour les costumes colorés (il a dû jouer beaucoup aux Playmobil quand il était petit) et les petits détails (d'où ses désormais célèbres plans d'objets vus du dessus). Côté ambiance, idem. Le style Anderson est déjà présent. Humour en demi-teinte, personnages blessés et blessants, sensations cotonneuses. Jeux sur le second plan et le timing. Jamais le terme "comédie dramatique" n'a aussi bien porté son nom : rien ni personne n'est totalement désespérant ni totalement réjouissant.
N'arrivant pas à se trouver un style propre, trop de cinéastes en herbe construisent leurs premiers films "en référence à" ou "pour faire comme". Anderson, lui, pétri de talent, a créé en quatre films son petit monde, reconnaissable entre mille, et fantastiquement original, où ni la forme ni le fond ne sont négligées, et où le littéraire et le populaire cohabitent et fusionnent avec bonheur. La raison majeure pour laquelle Bottle rocket émeut tant, c'est qu'il marquera à jamais la naissance de l'auteur le plus fascinant de ce début de siècle.
8/10

09 mars 2006

MONDOVINO

Le monde du pinard est comme les autres. La passion se mêle à l'argent, les affaires financières prennent dangeureusement le pas sur les affires de coeur. C'est bien triste. Mais, grâce à Jonathan Nossiter, c'est surtout jubilatoire. Auteur de fictions honorables (Sunday et Signs & Wonders), le réalisateur rigolard et au moins trilingue se fait tout petit derrière la caméra et étudie le fonctionnement de l'industrie (car c'en est une) du vin avec un discernement vraiment idéal. Loin d'un Michael Moore, justicier masqué se mettant en scène devant la caméra et en voix-off, Nossiter n'apparaît que très peu, toujours comme intervieweur et jamais comme héros en puissance, et se passe d'une voix-off redondante et énervante. Les images et les propos recueillis se suffisent à eux-mêmes. L'humour est toujours présent (la fascination de Nossiter pour les chiens est incompréhensible mais assez marrante). Et l'on ne manquera pas l'occasion de choisir ses petits favoris et ses têtes de turc (la mienne se nomme Michel Rolland, oenologue de mes deux, qui fume des cigarillos mais vante ses qualités de goûteur, et qui gère les grands vins à la chaîne, comme d'autres géreraient des usines de papier toilette). Passionnant parce que passionné, engageant car désengagé, Mondovino est un cru acide et rond en bouche qui ne manquera pas de vous tourner la tête.
9/10

07 mars 2006

INCIDENT AU LOCH NESS

Voici le making-of du documentaire de Werner Herzog sur la légende du monstre du Loch Ness. Un doc que vous ne verrez jamais, puisqu'il n'existe pas. Du coup, le making-of n'en est pas vraiment un non plus. Ça commence comme un film sérieux, avec présentation des membres de l'équipe (de vrais professionnels, avec des CV plutôt jolis), dîner de préparation chez Werner Herzog et tout le toutim. On sent un léger malaise, mais rien de très perceptible. Assez savoureux. Puis, dès que Herzog commence à tourner, ça vire au délire. Une playmate est engagée comme opératrice sonar par un producteur soucieux d'attirer des spectateurs en masse, Nessie apparaît... Comme le dit la jaquette, Incident au Loch Ness devient alors un mélange de Blair Witch et de Spinal Tap. Mais sans l'originalité du premier ni la drôlerie du second. Comme si l'arrivée de tous ces gros sabots avait fait dériver le film vers la grosse farce sans intérêt. Alors que le Lost in la Mancha pour de faux qui nous était annoncé au début aurait eu beaucoup plus d'intérêt. Dommage. Cependant, par ses références incessantes à Fitzcarraldo et Aguirre, Incident au Loch Ness donne envie de revoir les films de Werner Herzog. Ce qui est déjà une grande qualité.
4/10

LA DISCRÈTE

Poussé par son vieil ami bouquiniste et pour se venger des femmes, un homme décide de choisir une demoiselle au hasard dans la rue, de la séduire, et d'en faire un livre. Mais forcément, son piège va se retourner contre lui. Quand on sait que le type en question est joué par Fabrice Luchini, on sait exactement face à quel genre de film on se trouve. Très écrit, mais pas trop, très littéraire, regorgeant de citations et d'anecdotes (dont une sur Tristan Bernard, qui m'a beaucoup fait rire), La discrète bénéficie de l'abattage luchinien, à l'époque où il n'était pas suffisamment connu pour donner l'impression de "faire du Luchini". Si la verve de Fabounet est très plaisante, la plus grande force du film est justement de finir par inverser les rôles et de lui couper le sifflet, subjugué par la présence diaphane et envoûante de Judith Godrèche, euh, non, Henry, pardon, j'suis trop conne (sors de ce corps, vanessa). Charmant petit film, La discrète montre que faire du cinéma français, d'auteur et populaire est possible.
7/10

05 mars 2006

A LOVE SONG FOR BOBBY LONG

Il est absolument intolérable qu'un film avec Scarlett Johansson ne soit pas distribué en France. Heureusement, il existe une petite merveille nommée "DVD Zone 1". Alors on peut non seulement se ravir l'oeil, mais également se faire plaisir avec un film franchement pas dégueu. À la mort d'une mère qu'elle a à peine connue, une jeune femme hérite de sa maison. Mais elle n'est pas la seule héritière, et se voit contrainte d'accepter deux colocataires assez encombrants, car alcooliques et désoeuvrés. Peu à peu, les deux piliers de comptoir vont dompter la gazelle. Et la vie passe. Sauf que certains secrets menacent de ressurgir à chaque instant... Et Shainee Gabel de nous servir un drame humide et pas franchement triste, avec une touche de Bukowski light, une pincée d'Irving, et beaucoup de vodka. Si les révélations de fin de film sont un peu éventées, A love song for Bobby Long n'en demeure pas moins un très bon petit film, offrant un très beau rôle à John Travolta, péroxydé mais impressionnant quand même.
7/10

VA, VIS ET DEVIENS

Éthiopie. Pour qu'il échappe à la misère, une femme fait passer son enfant pour un juif afin qu'il soit emmené vivre une vie meilleure en Israël. Le jeune Schlomo grandit dans sa famille d'adoption, mais dur dur de vivre en paix avec soi-même quand on triche avec son identité... Poursuivant dans sa veine de cinéaste humaniste, Radu Mihaileanu livre un film plein, bourré de bonnes intentions et de belles scènes, montrant ce petit homme se débattre au milieu des préjugés et des problèmes relationnels. Le message est limpide : avant d'être un juif, un catholique ou un musulman, un homme est d'abord un homme. Intentions louables. Mais, forcément, Va, vis et deviens a les défauts du film éducatif. Trop long, trop lisse, le film possède cependant un charme et une fraicheur indéniable. Mihaileanu devrait simplement garder un peu plus à l'esprit qu'un réalisateur est d'abord un cinéaste, pas un professeur.
5/10

04 mars 2006

LES PRODUCTEURS

Lorsqu'on est un critique appliqué, avant de voir un remake (bientôt en salles avec Matthew Broderick, Nathan Lane, Will Ferrell et Uma thurman), on visionne l'original. Sachant que Mel Brooks est un réalisateur très surestimé qui a fait beaucoup plus de mauvais films que de bons, il n'est pas étonnant que ces Producteurs soient aussi poussifs. L'idée de base est amusante : un producteur de théâtre et son comptable décident de monter le spectacle le plus nul de l'histoire dans le but de faire un bide retentissant et de toucher l'assurance-échec. Seulement voilà : Springtime for Hitler, comédie musicale en hommage au dictateur, est pris au second degré et finit par faire un tabac. C'est le résumé proposé un peu partout... Et cela couvre en fait au moins 80% du film. Et malgré quelques numéros d'acteurs, Les producteurs tourne à vide. Même géniale, et ce n'est pas le cas ici, on ne fait pas un film avec une seule idée. Et en critique appliqué, on se demande bien ce que va donner le remake.
2/10

01 mars 2006

TU MARCHERAS SUR L'EAU

Alors : un agent du Mossad viril et israélien est chargé de surveiller un jeune berlinois complètement pédé des fois que par hasard dans une conversation il parle (ou entende parler) de son grand-père, un ancien nazi que tout le monde croit mort alors que non. Soit un mélange de buddy movie homophobe et de polar improbable, aussi ravissant qu'un survêtement mauve et orange. Complètement invraisemblable, dialogué par un type qui doit se prendre pour Godard alors qu'il n'a même pas le niveau pour un Terence Hill, pas très bien joué, franchement moche et stupide...
Acclamé par quelques spectateurs bêtement bien pensants (d'où une nomination au César du film étranger), Tu marcheras sur l'eau est un excellent détecteur de goûts de chiotte. C'est bien là son unique qualité.
1/10