LES MAUVAIS JOUEURS
Voilà un premier film, français, bien écrit, bien réalisé, bien joué. Les mauvaises langues diront que c'est rarissime ; laissons-les éructer et contentons-nous de chanter notre joie, mes frères. Il y avait de grandes chances pour que Les mauvais joueurs soit raté : ça sent le film communautaire, une sorte de Vérité si je mens! version arménienne et dramatique, un drame sordide sur la misère des pauvres petits travailleurs clandestins (qui certes ne sont pas vernis, mais dont la vision cinématographique est franchement rengaine). Pourtant, ça fonctionne. Frédéric Balekdjian tisse patiemment une trame polardeuse autour de deux communautés : les Arméniens, installés depuis longtemps, et contraints de vivre de combines pour compenser l'insuccès des magasins de tissus, et les Chinois, clandestins ou pas, contraints de bosser comme des dératés pour s'en sortir. On n'assiste pas à un affrontement des uns contre les autres, et c'est une sacrée bonne idée. Balekdjian prône le rapprochement et la tolérance, et si tôt ou tard des clans finiront bien par se créer, ils ne dépendront pas de la couleur de peau. La lente montée en tension est très séduisante : Balekdjian a le talent nécessaire pour donner de l'intérêt à une partie (forcément truquée) de bonneteau ou un match de baby-foot, le genre de trucs déjà vus ailleurs et potentiellement plombants. À la tête du film, Pascal Elbé révèle un vrai tempérament d'acteur dramatique, et tient la dragée haute à des acteurs aussi doués que Simon Abkarian. Tendu, haletant, humide et sanguinolent, Les mauvais joueurs est une belle réussite. Seule (toute petite) réserve : 77 minutes, c'est un tout petit peu insuffisant pour remplir un estomac. Mais mieux vaut faire court que diluer pour faire un film plus long.
8/10
8/10
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